La femme était forcément sur la défensive et parlait trop fort...
Félipé avait l'habitude d'obéir mais aussi d'être obéi et en plus il n'était pas vraiment d'humeur.
Il marqua un temps où il ne dit rien se contentant de la toiser comme s'il cherchait à quelle sauce il allait l'assaisonner.

Sentant son comparse prêt à monter la pression, Stéfano intervint pour apaiser le dialogue :
« Holà on se calme mon ami, on n'est pas là pour passer par l'épée tous ces braves gents. »
Puis s'adressant à la femme :
« On a juste demandé où étaient nos compagnons et quelle bête, nous pourrions emprunter.
Tu peux regretter que nous soyons là mais nous y sommes et il est dans l'intérêt de tous le monde que cela se passe bien.
On a un boulot à faire et nous repartirons.
A toi de voir si quelques heures perdus, le seraient vraiment en fin de compte. »

Stéfano avait raison de jouer l'apaisement mais n’empêche que ça le contrariait fortement...
« Bon, on trouve une bâche pour cette foutue mule et en revient manger un truc. »
Lâchât-il de mauvaise grâce en ressortant dans la cour.

La Grande Cour centrale semble déserte, ... et silencieuse ...

« J'm'occupe de sortir un bourin » lâchât le forestier en entrant dans les écuries à la recherche d'une bête robuste et placide.

Les soldats se répartirent les tâches.
L'un prenant cordage et sangles, l'autre trouvant de quoi faire un chariot correcte avec une bâche ou tout autre matériel adéquat.
Rapidement, l'efficacité militaire ou peut-être la perspective d'un repas chaud... firent qu'ils rejoignirent Joaquin pour traîner la mule sur la neige jusqu'à l'étable.

Cela n'aura pris que 90mn de plus au groupe, enfin organisé, pour traîner la mule jusqu'à l'écurie.
Reste encore à la frictionner et la réchauffer ...
Lui donner à boire de l'eau pas trop froide - ni trop chaude

« Bon, maintenant que l'on a bien fini de faire les cons dans la neige, on a bien mérité de casser une graine. »
Le soldat prit la tête du groupe pour retourner à la cuisine.
« Quelqu'un sait si Berich et Brassin sont reparti ? »

Ils ne sont pas dans le dortoir.

Ayant fait le maximum - et même plus à son goût - , Joaquin arpenta la ferme à la recherche de la cuisine. Il était trempé, ses bottes crottées de neige fondue, grise de la cendre de son feu. Il avait faim et n'avait certainement pas assez dormi.
Il ruminait et grognait en parcourant les couloirs jusqu'à ce qu'il débouche enfin dans ce qui ne pouvait être que la cuisine. Les parfums de ragoût et la chaleur infernale des fourneaux étaient un indéniable indice. La petite femme qui s'affairait autour des casseroles et des marmites, lui darda un regard rien moins qu'amène et lui aurait bien balancé sa louche si elle n'en avait eu grand usage à l'instant.

Joaquin s'assit prés du foyer principal et entreprit de retirer ses bottes qu'il plaça à sècher devant le feu ronflant. Il aurait bien fait de même avec le pantalon mais préféra respecter la pudeur de la dame.

« Pardon m'dame !? » hasarda t il « S'rait y qui resterait un peu 'pain et d'soupe ou même un bout d'viande pour un pauv' vétéran de Gotorget qu'à eu dans l'bide que d'la boucane, des noix trop sèches et deux abricots moisis. »
Joaquin essaya d'arborer sa physionomie la plus malheureuse, les commissures de la bouche pendantes et les yeux larmoyants de faim. Là dessus il n'avait pas trop à se forcer.

« Pour sûr ! » répond la cuisinière manifestement attendrie
« Restez-là au chaud que j'vous serve ça »
elle attrape un bol de bois dont la contenance dépasse les 3/4 de litre
D'un sac de toile, elle tire deux généreuses poignées de gros cubes de pain qu'elle lache au fond du bol.
Par dessus, elle coupe de fines tranches d'une tome seche.
Enfin, elle recouvre le tout de généreuses louches de son pot au feu où les rares légumes nagent dans un bouillon clairet.
« V'là.
'Tention, c'est bein chaud. » dit-elle en tendant le bol au vétéran.

La cheminée et le bouillon attirait les comparses comme un aimant mais il n'y aurait pas de la place pour tout le monde...
Stéfano qui cherchait toujours l'apaisement, indiqua à ses compagnons la table en les invitant à s’asseoir.
Il nota que l'évocation de Gotorget n'avait pas déclenché de réactions hostiles voir même plutôt positives de la par de la cuisinière.
Il s'approcha de la scène :
« Notre brave Joaquin à bien raison de profiter de votre hospitalité et de cette belle flambée.
Il a sauvé la pauvre Rosalie. Une brave bête qui ne méritait pas de mourir dans la neige. »
Ayant ferré la dame, il se tourna vers la table avant d'ajouter :
« Si vous voulez bien nous servir aussi de cette bonne soupe, je pense que le Chouka vous en serait sûrement reconnaissant.... »
« Pas vu vos hommes, sont partis loin pour leur ouvrage ? »