Eryn lança un mot. Une exclamation presque choquante venant d'une personne aussi pieuse qu'elle.
« Désolée... Moi qui pensais en finir dès aujourd'hui avec cette histoire... Je crois bien qu'il ne faille mener encore des enquêtes, voir même rebrousser le chemin pour aller d'où nous sommes partis...

Quelle perte de temps ! Nous arriverons trop tard, c'est certain ! »

La paladine frappa la table du poing. Elle écarquilla soudain les yeux, comme si par ce geste, elle se heurta elle-même.

« Les pierres !
Jean, Runica le cristal dont vous parliez, il a été découvert au vieux temple, non ?

Ils ont besoin des pierres, enfin les cristaux et les cercles de pierres... S'ils ont un cristal par cercle, celui de Sangris à été retrouvé ainsi que celui du vieux temple... Mais Ryul en possède un également ! Tu te souviens Runica ? Quelle sotte ai-je été de ne pas lui demander comment en a-t-il été le propriétaire ! Il se peut qu'il sache où est le troisième cercle celui à la suite du "marais" et du "vieux temple".

Et... et... si le cristal est nécessaire... peut-être voudront-ils les récupérer...

Mais il reste des endroits à surveiller également. Ils en ont besoin avec les cercles et les runes, qu'elle soit noires ou arc-en-ciel.
Il suffirait de les raser, faire place nette des traces d'activités impies par la force, et voilà qu'ils n'auraient plus d'autel ! »

Sélène fut interloquée de voir une mention de ses parents. Ainsi, ils n’étaient pas morts assassinés par un maraudeur, mais parce qu’un contrat était placé sur leur tête par une organisation qu’ils avaient combattus par le passé.

« Almaury de Marle, c’est celui qui est mort sur la route vers Horbourg ? » Runica venait de reconnaitre le nom de celui dont avait parlé Ruyl lorsqu’elle était au château avec Eryn. « Selon le chambellan, il avait été envoyé dans les marais pour inspecter ce cercle de pierre. Et il a été attaqué sur le chemin du retour. La maison de son frère a brûlé, et tout... »

Sélène réagit, la voix serrée par les informations qu’elle venait d’obtenir sur son père et sa mère : « Et Mélor a été attaqué lui aussi en revenant des marais. » Elle indiqua l’une des lettres qu’avait récupéré Eryn à Cuvalier : « Ce Zolstra a certainement voulu parler de Mélor et de ce Monseigneur de Marle, quand il parlait de « gêneurs ». »
« Je suis de l’avis de Jean : Il semble que ce groupe de symbole soit la clé. C’est ce que cherchent les membres de cette organisation, la « toile ». » Elle indiqua tour à tour deux des lettres d’Eryn ainsi que les relevés de Mélor

« Mélor, pourquoi as-tu regroupé ces symboles sur ton dessin ? Ils étaient disposés d’une façon particulière ? »

La nervosité de Runica monta d’un cran quand Jean proposa de montrer le cristal qu’il détenait. « Ces pierres sont très rares, selon les gobelins. Mais ils semblaient dire qu’il en existait d’autres dans la Baronnie, bien cachées... Ils pensent qu’il en existe une énorme quelque part, mais ils ne savent pas où. S’ils la trouvaient, ils pensent qu'ils auraient une telle puissance qu’ils rouleraient sur les terres humaines comme un chariot sur une pente raide. »

Oui bien sûr, j'avais oublié ! Un peu plus et j'allais accuser Ruyl...

Eryn était manifestement sur les nerfs... du moins plus manifestement que les autres...

« Oui c'est ce groupe de symboles, c'est clair ! Mais ça ne sert à rien de savoir quoi si on ne sait pas à quoi il correspond. Soit un autre cercle secret ou soit carrément l'emplacement de gros cristal...

Si seulement Tyr m'avait béni par le don de divination !

C'est étrange de parler d'assurer la protection contre les gêneurs. Il protège quelque chose d'important, forcément, soit c'était au cercle des marais soit ça y est encore...

Mélor es-tu certain de ne pas avoir vu de cristal là-bas ? »

Eryn étala les documents sur la table.
« Certains symboles se ressemble mais... à mon avis nous ne pourrons pas faire de transposition... et ils ne sont pas identiques... Je n'aime pas rester là à ne rien faire. Allons trouver le vieillard qui parlais du mur de sangris ! Nous pourrons continuer à parler en route et au moins je n'aurais pas l'impression de laisser le monde brûler... »

Mélor se tourna vers Jean. « Mais ces démons sont sortis de ce cristal alors qu'il n'était pas enchâssé dans le cercle de pierres ? Mais c'est extrêmement dangereux ! Il faut absolument prévenir le chambellan Ruyl qu'il sécurise son cristal ! Jean, il faut que tu nous racontes ce qui s'est passé dans ce vieux temple. Comment se fait-ce que tu as eu à faire là-bas et que s'est-il passé avec Runica pour que tu lui fasses confiance maintenant ? Montre-moi voir ces runes, sinon... » Mélor prit le carnet que Jean avait sorti et l'ouvrit pour vérifier son contenu. Il fut interrompu par la remarque de Runica.

« Almaurry de Marle est mort ?! » Mélor était horrifié d'entendre cela. Non seulement il avait perdu son compagnon, mais maintenant l'homme qu'il avait laissé partir de son côté avait également péri. Les sorciers avaient encore frappé. Ou le sorcier, puisqu'il semblait s'agir du même sorcier, qui semblait beaucoup aimer le feu... Il allait se venger, c'était certain.

Il répondit ensuite à Sélène. « J'ai regroupé les symboles parce que chaque groupe était présent sur une pierre séparée des autres. Le cercle des marais était parfaitement conservé. C'était un disque plein formé de plusieurs cercles concentriques d'une trentaine de pierres au total, et seules 6 d'entre elles avaient ces symboles. Mais je n'ai pas eu l'impression qu'elles étaient disposées de manière régulière. Ça me fait penser : le vicaire m'a dit que les pierres du relais qui contenaient des symboles étaient différentes des autres pierres, ce qui laissait penser que le cercle du relais était une reconstitution. Et il n'y en avait que 3 qui portaient les symboles. Aurait-il été détruit auparavant, ou avait-il emprunté des pierres d'un autre cercle ? Je ne saurais le dire. Mais si chaque groupe de symboles correspond à un lieu précis, voire un cercle particulier, alors il y aurait 6 de ces lieux maudits en tout. »

Il répondit rapidement à Eryn. « Non je n'ai vu aucun cristal visible. Mais je n'ai pas fouillé en profondeur les lieux, je devais simplement m'intéresser aux symboles qu'il y avait dessus. Par contre, je n'ai absolument rien détecté de magique dans la zone, donc si ces cristaux sont si puissants, je ne peux que supposer que s'il y en avait un aux marais, il n'y est plus. Mais ma guide avait aussi emmené ce Zolstra voir le cercle, et ils ne sont restés sur place juste le temps pour lui de recopier quelques symboles, probablement ce groupe-là. » Il montra le groupe de symboles qui semblait important relevé par Sélène. « Elle n'a rien ajouté concernant un quelconque cristal. »

Balar commençait à perdre patience sur l'épaule de Mélor. Ces humains parlaient vraiment trop. Il parla assez vite et dégringola le long du bras de son maître. (en familier) « J'en ai marre, laisse-moi descendre ! Reviens me chercher quand tu auras fini... » Le petit hérisson allait trop vite et Mélor eut à peine le temps de se diriger vers un fauteuil pour laisser son familier aller autre part que sur la table pleine de documents. Il en profita pour ouvrir cette fois le carnet de Jean et observa ces runes.

« Ruyl... ce vieux fourbe... » ironisa Sélène en souriant et secouant la tête. Il était étrange de parler de Ruyl comme d’un « vieux », vue l’apparence enfantine qu’il avait.

Mélor prit le document de Jean, le journal d’un certain Leuthaire. Le guerrier n’avait pas le temps de lire tout le texte, aussi Runica en résuma l’essentiel.
« Ce Leuthaire venait de Bocsombre. Il a suivi l’appel d’Amilial Lilgegryl, le papa de ma nouvelle copine, si j’ai bien compris, pour vaincre définitivement les démons. Il y a une histoire compliquée de gobelins qui ont ouvert un portail dans le Nord pour tabasser de l’orque il y a cinquante berges, et il fallait tuer les démons qui étaient restés depuis.
Bref.
Les démons étaient acculés dans le vieux temple. Celui qu’on a visité avec Jean. Une perte de temps, cette visite, il n’y avait pas une thune là-bas, mais passons. Amilial et ses copains – dont le papa de Jean - ont rassemblé une troupe d’une cinquantaine de gonzes pour les exterminer une fois pour toute. Il y avait le papa de Sélène dans le lot.
Leuthaire s’étonne de la ressemblance d’une partie des démons avec les humains. Amilialinou explique qu’il s’agit d’une race particulière des Abysses aux origines inconnues, aux mêmes caractéristiques que les humains, mais dont le principal objectif est la domination des races qu’ils considèrent comme plus faibles. Ça a l’air d’être notre cas. Ils ont fait main basse sur quelques niveaux des Abysses, selon lui, mais je ne suis pas allé vérifier.
Leuthaire a participé au premier assaut contre le temple, le décrit comme étant une boucherie, parle des préparatifs du deuxième assaut, et puis, plus rien. Il est certainement mort pendant le deuxième assaut. »
Sélène conclut : « La victoire de la troupe d’Amilial ne fait pas de doutes, mais il semble hélas que pas tous les démons aient été réunis au vieux temple... Il en restait encore, et ils prospéraient parmi nous ! »

Sur le même carnet, le rôdeur avait recopié une partie des symboles situés sur le vieux temple. Suffisamment pour qu’un expert en langages ésotériques puisse traduire le texte et découvrir la clé de déchiffrement de cette écriture.

Mais cela semblait au-delà des compétences de Mélor, qui buttait sur plusieurs éléments clés de ce langage.

Sélène revint au dessin du cercle de pierre des marais d’Hagetlande.
« Si ces symboles représentent des lieux... se pourrait-il que leur disposition particulière sur le cercle représente une sorte de ... carte ? »
Mentalement, les plus réactifs des aventuriers placèrent les différents lieux sur une carte virtuelle de la Baronnie. L’effort intellectuel étant trop intense, Sélène alla en récupérer une dans son bureau, puis la déplia sur la grande table centrale de la pièce.
Elle plaça les deux lieux connus (le vieux temple et le cercle du marais), et tenta de reproduire l’emplacement des autres en fonction de la position de ces deux premiers. Même s’ils n’en disposaient pas de la traduction, Runica fut interloquée en voyant que le cercle duquel elle avait prélevé son cristal correspondait à l’une des croix.
Prenant cela comme une confirmation qu’ils étaient sur la bonne voie, Sélène désigna un point dans la forêt centrale de la baronnie, au cœur du fleuve Aurole : « Si c’est une carte qu’il y a dans le marais, alors le lieu recherché doit être par là ! »

Mélor se leva de son fauteuil. « Des démons ressemblant à des humains ? Mais ça veut dire que notre ennemi peut être n'importe qui ! J'ai même peur qu'ils nous espionnent bien plus facilement que nous le pensions, et qu'ils pourraient s'être infiltrés dans les plus hautes sphères de la Baronnie... Je crains qu'il faille partir du principe que toute information partagée peut être interceptée. »

Il fit les cent pas dans la pièce. Balar, qui souhait se reposer dans un coin, était perturbé dans ses plans par le trouble de son maître et émit des petits couinements. Le soldat s'excusa auprès de son familier et se rapprocha du groupe. Il hocha de la tête d'approbation lorsque Sélène mit au point leur "carte".

« Bien, notre priorité est d'identifier où est précisément cet endroit. Il va sans dire que cette forêt est extrêmement dangereuse, même les bandits de Bocsombre ne se risquent pas à y entrer trop profondément. Jean, tu connais cette forêt mieux que personne ici, aurais-tu une idée de ce que cela pourrait être comme lieu ? Tu aurais entendu des histoires, des légendes peut-être ? Dans le cas contraire, il va falloir rapidement tenter de déchiffrer ce texte.

Sélène, y aurait-il quelqu'un à Simore qui pourrait être suffisamment expert dans ce domaine pour nous aider ? Sinon, nous devrons retourner à Horbourg pour trouver quelqu'un. C'est à peu près sur le chemin de la forêt et l'abbaye de Valirée est malheureusement beaucoup trop loin pour qu'on se permette de perdre du temps.

Est-ce que vous avez déjà montré ce carnet à Ruyl pour que des érudits se penchent là-dessus ? Dans tous les cas, nous pouvons toujours montrer ces symboles au vieux fou avant de partir. Si vous les avez trouvés sur des murs du Temple, et qu'il semblait avoir réussi à lire un texte sur des murs, il pourrait s'agir de ça. »

L'attitude de Mélor était bien plus autoritaire par rapport à ce que ses compagnons avaient pu connaître à l'époque. Il n'était pas aussi excité qu'Eryn semblait l'être depuis qu'elle était arrivée, mais il était au moins aussi déterminé qu'elle. Il semblait avoir gagné de l'expérience depuis un an à diriger les gardes de Bocsombre, et ne se formalisait plus devant le statut que pouvaient avoir Sélène ou Clostriana. Mais sur l'instant, c'était plus la perte de Ragnar qui le motivait à retrouver ce Zolstra le plus rapidement possible pour en découdre.

Savoir où aller était pour Jean un grand soulagement.

« La forêt est grande et bien que je l'ai à maintes reprise traversé, je prends souvent des itinéraires connus et plus ou moins sécurisés.
Il y a notamment un ensemble de collines que j'ai soigneusement évité jusqu'alors. »

« Ne partons pas sans rendre visite à ton témoin mais ne trainons pas, nous devrions pouvoir atteindre l'auberge du bois des basses-fermes avant la nuit et en faisant une longue route être demain soit à Horbourg... »

Eryn n'appréciait que très peu le manque de respect traduit par les surnoms de Runica pour son père, mais une fois de plus elle se força à tolérer son comportement pour le bien de leur mission.

J'aimerais presque qu'elle en vienne à nous trahir...

« Sélène, je suis impressionnée ! Bravo, j'aurais mis des heures à trouver ça...

Je suis d'accord avec Jean. Se jeter tête baissée est rarement une bonne idée, mais c'est clairement la seule piste un tant soit peu tangible que nous ayons. Si nous devons nous ajouter une exploration dans une forêt peuplée de briguant et de créatures sauvages à nos fanatiques et démons, alors allons-y ! »

Serons-nous assez nombreux ?
Demander de nouveaux renforts contrariait Eryn, elle hésita un moment à faire courir un danger à d'avantage de personnes, avant de se dire que en d'autres circonstances, dans une autre existence, elle aurait volontiers accompagner un groupe d'aventuriers dans une mission aussi périlleuse si sa vie aurait pu faire la différence.
« Pendant que vous voyez le vieil homme, Sélène, est-ce que tu connaitrais une ou deux personnes susceptibles d'accepter de risquer leur vie pour venir avec nous ?
Nous sommes dix en tout, mais je ne sais pas combien de membres de la... secte sera là, ni quels monstres se cachera entre les arbres de la forêt. Si certains sont prêt en moins d'un heure alors qu'ils viennent, sinon nous les affronterons tel-quel. »

La servante de Tyr, une fois de plus avait préféré de ne pas appeler l'alliance ennemie par son nom officiel de "la Toile" mais par "secte" comme elle l'avait fait, avec " le culte" ou "les fanatiques".

Runica regarda Mélor et Jean de façon dubitative. « Pour moi, là, il n’y a rien, à part des monstres. Faut aller voir sur place. » La rôdeuse avait certainement elle-même arpenté des bouts de cette forêt, comme Jean, mais jamais aussi profondément.
« Pfff, vous réagissez vraiment comme des lapins de trois semaines. Z'avez pas l'esprit assez tordu, les gars. S'il y avait une info utile quelque part, qu'est-ce qu'auraient fait les méchants ? Hein ? Ils l’auraient déjà apprise et supprimée, et nous ne serions déjà plus là pour en discuter. Pour la recherche de renseignements, nous avons juste vingt ans de retard sur eux. Mettez vous dans la tête que ça a l'air d'être des gars très organisés et moins bordéliques que nous. C’est un peu par hasard que nous venons d'obtenir quelques infos, mais faut pas espérer plus que ça. Ou à la rigueur à Valirée, où ils n'ont pas du avoir les accès facilement. Mais on n'a plus le temps d'aller à Valirée, là. 'fin, j'dis ça, j'dis rien, hein. »

Sélène approuva la demande d’Eryn, mais objecta : « Hélas, je ne peux partir de Simore aujourd’hui... la situation est compliquée. Sinon, sache que j’aurai été heureuse de me joindre à vous. » Elle regarda Echtach avec insistance : « Echtach, qu’en penses-tu ? » Il s'agissait du meilleur élément de sa garde, celui qui pouvait valoir à lui seul tout une patrouille. Indirectement, elle lui demandait de participer à sa place à cette expédition.

Sélène, pragmatique, secoua la tête violemment. « Il faut savoir ce qu’ils vont faire maintenant. Nous, à leur place, nous monterions certainement une troupe en urgence avec des gens fiables pour nous rendre là-bas, en espérant trouver ce que nous cherchons. De notre côté, nous avons deux choix. Soit penser qu'ils vont échouer : Nous attendons ici, et nous démantelons tranquillement leur réseau. Soit penser qu'ils peuvent trouver ce qu'ils cherchent avec de si maigres informations. Et là, il faut les poursuivre avant qu'ils ne génèrent une catastrophe. C’est d’ailleurs ce que vous cherchez à faire. Vous avez une idée du retard que nous avons ... » Elle s’arrêta soudain au milieu de sa phrase. « Et ces départs soudains, avant-hier, à Simore ? Trois personnes de Simore sont parties précipitamment après avoir reçu un message... »

« Ouais. » Grogna Echtach en étirant sa pesante carcasse d'un siège où il s'était affalé.
Jusqu'à présent il avait fait mine de dormir, essayant de se concentrer sur les explications plus ou moins claires des membres de ce groupe. Les parchemins étalés ou le carnet, ne lui auraient pas été d'une grande utilité. Pour le demi orque, tout ça c'était "du chinois".
Il avait fini par faire le lien en même temps que Sélène apparemment.

« Ouais, s'appelait Oédor ce cavalier. Trois personnes sont parties : Grandolfe, l'apprenti du ferrand, Bodrigue, le tavernier et Joséphène, d'not' milice, qui f'sait peur à tout l'monde. Mait'nant on sait pourquoi. »

Il regarda Sélène. « Bodrigue a deux gosses. Faudra les surveiller. »

Puis Echtach continua.
« Z'ont été vus vers l'ouest de Simore, au delà d'Albagnol. Fort à parier qu'ils vont r'joindre ce cercle de pierre que vous cherchez. On pourrait encore les suivre mais leur piste va r'froidir vite. »

Parlant ainsi, il acceptait tacitement de se joindre à cette équipée. De toute façon il avait déjà décidé d'aller à la recherche des fuyards.

« Des gens ont aussi répondu à un appel à Horbourg,Clostriana a interogé les familles mais ils n'étaient au courant de rien. »
L'homme des bois se gratta la barbe d'un geste machinal avant d'ajouter :
« Prendre à travers champs vers l'ouest, ce peut aussi être notre route. »

Hors de question qu'on reste là en espérant qu'ils échouent !

« Très bien, alors cette fois-ci, ça sera sans toi... »
La paladine prononça ces mots à Sélène avec une grande froideur. Elle était manifestement déçue.

« C'est une bonne idée Echtach ! Ils vont nous conduire directement là où ça se passe, mais deux jours c'est déjà beaucoup...
Jean, toi qui t'y connais, ça te semble faisable ce genre de pistage ?

Je ne pense pas qu'ils aient effacés leurs traces, et quand bien même au moins l'un des trois à probablement commis quelques erreurs... »

« Dans une traque, il y a toujours une part de chance mais nos "chances" sont très "raisonnables" surtout que Runica est aussi capable que moi et que nous avons aussi le flaire de croc-noir. »

Malgré le détachement qu'il essayait d'afficher, la perspective d'une traque éveillait dans l'homme des bois une exaltation qu'il ne s'avouait pas.

Si en plus on peut faire sentir notre proie avant de partir...

Sélène encaissa mal la répartie froide d’Eryn. Cependant, il semblait que ses choix étaient particulièrement limités. Echtach acceptait de suivre le groupe, et il compenserait parfaitement.

Un repas frugal fut servi à la troupe. Celle-ci se composait désormais de douze personnes : Outre Eryn, Clostriana, Jean, Runica, Echtach, et Mélor, quelques soldats les accompagnaient : Antunen, Bonatare, Carmina – la seule femme, Dolit et Erdules. Et bien sûr Sylas, qui ne s’éloignait guère de Clostriana. Sans compter, bien entendu, les animaux : douze chevaux, un loup, un aigle, un chien, un serval, et même un âne !
L’ambiance, alourdie par les révélations sur l’organisation à affronter et l’ampleur de la tâche à accomplir, pesait sur les convives, plutôt silencieux. Ils risquaient leurs vies à plusieurs titres : D’abord parce qu’ils allaient parcourir une partie de cette sombre forêt réputée dangereuse, ensuite parce qu’ils affronteraient certainement une partie adverse organisée et puissante, et enfin parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils trouveraient à cet endroit marqué d’une croix rouge sur la carte de la baronnie... Trop d’inconnues auxquelles il valait mieux ne pas trop songer...

Le repas terminé, Sélène et son père souhaitèrent bonne chance aux aventuriers. Certains ne reviendraient pas. Peut-être était-ce là leur dernier contact humain.