Mélor avait préparé une nouvelle lettre pour Rocsoë qu'il fit envoyer rapidement avant qu'il ne quitte le village.

Au moment du départ, Mélor se rapprocha de Sélène. « Merci beaucoup pour ton accueil et ton aide. Je pense que sans toi, nous aurions eu du mal à tout démêler dans cette affaire. Sois assurée que je repasserai par ici sur le chemin du retour pour t'annoncer fièrement que nous avons réussi notre mission. Sinon, j'ai bien peur que le malheur ne s'abatte sur la Baronnie une fois encore. »

La troupe n'était pas assez étoffé au goût des militaires mais pour Jean qui avait la charge implicite de mener le groupe à bon port, il y avait quand même une belle force de frappe et le nombre restreint était gage de célérité du moins l'espérait-il.

Eryn remercia également Sélène avant d'inviter à la troupe d'entamer la route.

Les adieux faits, la troupe s’ébranla en direction du hameau d’Albagnol, conduite par Echtach, qui vivait à Simore depuis plusieurs années déjà.
Le paysan ayant vu les trois membres présumés de la toile partir vers l’Ouest fut retrouvé rapidement à Albagnol. Les aventuriers purent ainsi être amenés à l’endroit même où les trois fuyards avaient été vus pour la dernière fois.

Sur place, il ne fallut que quelques minutes à Jean, aidé par Runica, pour repérer des traces inhabituelles au milieu de celles, plus régulières, des paysans et autres animaux. Il n’avait pas plu ces derniers jours, et ce qui semblait invisible pour des êtres normaux apparaissait clairement pour le pisteur.
« Ils se déplaçaient vite. Ils n’ont pas cherché à cacher leurs déplacements. Ils semblent sûrs qu’ils ne seront pas suivis. Ou alors ils s’en foutent. »

Avec deux jours de retard, la poursuite continua jusqu’à la nuit. Il fallait prendre une décision sur la suite à donner. La sombre forêt était encore loin. Ici et là se regroupaient quelques maisons, formant des hameaux aux noms pittoresques.

« Si cela convient à tout le monde, je vous propose de faire une halte dans la prochaine grange , on gagnera un temps certain sur le montage du camp et nous pourrons ainsi repartir au aurores demain sans être trop fatigué. »

La question du rôdeur bien qu'ouverte sur la forme ne portait pas vraiment à discussion (du moins pour lui).

C'est donc sous le regard inquiet des villageois que la troupe pénétra dans le hameau des "calmes-champs".

« Moi, tant qu'on dort au sec... L'humidité, Quand on porte 30 kilos de métal, c'est pas la joie. »

Sylas approuvait la décision de la grange mais il se tourna vers Clostriana pour attendre sa réponse. Cette dernière ne se fit pas prier:

« Oui, une grange sera parfaite. Au moins, l'odeur de sueur sera couverte par l'odeur des bêtes. »

La troupe put obtenir facilement l’hospitalité auprès des habitants du hameau, surtout qu’elle ne demandait qu’une grange pour la nuit, et du foin pour le confort. De toute façon, ils n’auraient rien obtenu de plus confortable.
La nuit se passa sans incident. Au petit matin, en même temps que les paysans retrouvaient le chemin de leurs champs, les compagnons s’en allèrent à la poursuite des trois fuyards.

Vers midi, ils traversèrent la route descendant d’Horbourg vers Rivourbe. Désormais, plus ils avanceraient vers la forêt, moins ils rencontreraient d’humains et plus ils risqueraient de faire de mauvaises rencontres. Echtach et Jean estimaient qu’ils atteindraient la bordure de la zone exploitée vers le soir.
Les traces qu’ils suivaient remontaient légèrement en direction du Nord.

Pour Jean, la distance totale du parcours ne leur laissait pas le loisir de rattraper leur gibier avant leur lieu de rendez-vous dans la forêt.

Le seul intérêt et pas le moindre de cette poursuite était d'être conduit directement à bon port.

Pour Jean, il s'agissait de ne pas perdre leur trace ni de temps précieux c'est pourquoi, il était concentré sur sa tâche.

Toujours conduits par Jean, les compagnons avançaient à un bon pas. Les trois individus qu’ils pourchassaient suivaient une trajectoire rectiligne, et s’il arrivait à Jean de perdre leur trace, il suffisait souvent de continuer dans la même direction pour la retrouver.
Le soir venu, Jean estimait qu’ils avaient toujours près de deux jours de retard sur leurs prédécesseurs. Ils n’avaient pas encore rejoint la lisière de la sombre forêt, mais cela faisait quelques heures que la nature n’était plus domestiquée. Les aventuriers ne trouvèrent pas de hameau où passer la nuit. Ils durent se décider à dormir en pleine nature...

L'organisation des tours de garde n'était pas dans les prérogatives de Jean. Du moins pas dans celles qu'il s'était lui même attribuées.

Son job avait été de trouver un promontoire non loin d'un ruisseau, suffisamment grand pour accueillir toute la troupe sans que cela ne rallonge de trop leur route.
Le B-A,BA en somme.
Un feu avait été rapidement organisé et placé de telle sorte qu'il n'agisse pas comme un phare dans la nuit. La réserve serait suffisante jusqu'au petit matin.

Sa part faite, il laissait au autres le soin de gérer les gens faisant juste valoir que cela ne lui déplairait pas de partager son tour avec Runica...

Se tournant vers Eryn, Sylas demanda:

« Premier ou dernier tour de garde? Histoire de ne pas renfiler l'armure bêtement en plein milieu de la nuit et réveiller tout le monde. »

Clostriana ajouta simplement:

« Je vote pour le premier, histoire de pouvoir dormir plus longtemps demain. Non pas que nous aurons le temps de faire une grasse matinée mais sait-on jamais... »

Le garde du corps observa sa compagne avant de simplement hausser les épaules à destination de la chevalier:

« Voilà qui résout la question, moi et Clostriana prenons le premier tour de garde. »

Clostriana accorda un sourire rassurant à sa camarade:

« Promis, on sera sage. »

Sylas ajouta également quelque chose pour assurer de son sérieux:

« Juré. Et puis, l'armure, ce n'est pas très confortable pour se montrer câlin. »

La température chuta subitement. Du moins, au sens métaphorique du terme, tandis que le regard de la médecin se portait vers son garde du corps:

« Et comment tu sais ça, toi? »

L'homme sembla hésiter un instant puis tourna subitement la tête:

« Hein, quoi? Vous avez besoin de moi pour monter vos tentes? Pas de souci, j'arrive. »

Il s'esquiva alors rapidement tandis que la guérisseuse marmonnait dans son coin:

« Ouais, c'est ça, ouais... Si tu crois que je ne t'en reparlerais pas, tu te trompes lourdement, mon cher... Et tu auras intérêt à me donner un nom, que je puisse me débarrasser d'elle. En espérant que ça soit au singulier... »

Revenant vers sa camarade chevalier, Clostriana ricana:

« Je plaisante, bien sur...

Encore que...  »

« Puisque le premier et le dernier tout de garde sont pris, je prendrai le deuxième. Si l'un de vous souhaite le passer avec moi, il est le bienvenu. Ou elle. » Ces dernières remarques étaient destinées aux soldats qui les accompagnaient.

La position qu’avait trouvée Jean permettrait au groupe de dominer les alentours et de moins se faire surprendre. Le feu fut caché, mais le rôdeur ne se faisait guère d’illusion : La moindre créature ayant des dons d’odorat détecterait leur odeur inhabituelle à une bonne lieue.
Les tours de garde organisés, la nuit tombée, les compagnons commencèrent leur période de repos, faisant confiance à ceux qui montaient la garde.

Vers onze heures, Mélor et Antunen entendirent ce qu’ils identifièrent comme le hurlement d’un loup provenant du Nord-Ouest. C’était précisément dans cette direction que le groupe comptait reprendre la route le lendemain. Le loup, si cela en était un, devait se situer à quelques kilomètres de leur position, vu le son faible qu’ils percevaient.

Mélor se redressa et s'adressa à Antunen.

« Tu as entendu ? Il va falloir redoubler de vigilance si ces loups se décident à venir nous déranger. »

Le capitaine porta également son attention sur Croc-Noirs. Nul doute que celui-ci se réveillerait si les cris devaient signifier une menace pour eux.

Lorsque Mélor évoqua le loup et que son regard se posa sur la masse sombre roulé en boule, Il pu constater que ce dernier, s'il avait perçu ses congénères n'en tenait pas compte et ronflait confiant d'être dans une bonne meute.

Après ce hurlement sinistre, les deux gardes en faction n’entendirent plus aucun bruit. Les bêtes sauvages s’étaient certainement éloignées et avaient trouvé plus loin de quoi satisfaire leur faim.

Un peu plus tard, un cheval se réveilla, nerveux.
Dans la forêt

« Fais attention, Antunen. »

Mélor prenait toujours au sérieux les sens des chevaux qui étaient bien plus affûtés que ceux des humains. Aussi porta-t-il encore plus attention à ce qui l'entourait.