« Je suis d'accord pour que nous nous déplacions mais d'abord, nous avons quelque chose à faire. »

Clostriana posa son regard sur les cadavres des gens d'armes:

« Nous ne pouvons pas les laisser là, comme ça. »

« Si vous retenez ma proposition, nous n'irons pas bien loin cette nuit et il nous faudra marcher en effet.

De nuit, dans les bois, cela ne nous retardera pas vraiment. »

Bien sûr Jean attendait que ceux qui le voulaient s'exprime mais ne pouvant rester à rien faire, il s'attela à faire son paquetage.

Sous l’impulsion de Jean, tous préparèrent le départ pour trouver un autre campement, celui-ci ayant manifestement été découvert, au moins par des bêtes féroces.
Carmina et Dolit, seuls rescapés des cinq soldats fournis par les chevaliers ou Ruyl aux aventuriers, semblaient particulièrement affectés par la disparition de leur camarade, et surtout par les méthodes employées : Crânes écrasés par des crocs, démembrements par des griffes... Il fallut quelques temps pour pouvoir reconstituer les corps des trois acolytes. Ces combats semblaient trop inégaux pour eux.

La caravane s’éloigna de plusieurs centaines de mètres, immédiatement remplacée sur leur précédant lieu de nuit par des bêtes affamées, dont les ombres dansaient dans la nuit depuis quelques minutes déjà.
Jean et Runica trouvèrent un autre lieu de repos, similaire à l’ancien.

Mélor avait fait le trajet la mine renfrognée, la perte de nouveaux compagnons lui avait encore sapé le moral.

« Ma surveillance nous a fait défaut. À cause de moi, nos compagnons sont morts. Je ne pourrai jamais suffisamment racheter ma faute et je sais que mes excuses ne nous les rendront pas. Mais il faut que nous aillons jusqu'au bout de cette mission, et nous ne devrons pas faillir. »

« Ouais, ouais... Pas la peine de pleurnicher, faudra juste faire mieux la prochaine fois. » répondit la rôdeuse en posant ses affaires.

« Bon espérons que ce coin soit plus tranquille. » ajouta-t-elle en examinant les environs.

La rudesse de la réponse de sa compagne, ne choqua pas Jean. Comme lui, elle avait appris à se monter forte pour vivre malgré les épreuves.
Il se contenta d'une main sur son épaule à la fois ferme et rassurante avant de faire lui aussi une tournée d'inspection.
« On a eu un aperçu de ce que cette forêt peut contenir de surprises mais il nous faut dormir pour être en forme demain. »
Joignant le geste à la parole, il s'enroula dans sa couverture, indiquant qu'il faisait confiance a la sentinelle pour le réveiller en cas de besoin.

La nuit se passa sans autre incident.
Au petit matin, le soleil se leva sur une plaine sauvage, où l’homme n’avait peu posé les pieds. A l’Ouest se tenait la forêt qui contenait le but du périple des compagnons. Elle paraissait massive et sombre, et Jean autant que Runica savaient combien elle était en grande partie inexplorée. Seuls les abords de Sangris et de Bocsombres étaient exploités, et l'on savait que des brigands arrivaient à survivre dans cette forêt près de Rivourbe. Enfin, les compagnons savaient que cette forêt contenait aussi une communauté druidique, probablement près de Rivourbe aussi, mais celle-ci était réputée aussi impénétrable que la forêt.
Tout le reste était inexploré. Des monstres de légendes comme d’autres plus communs peuplaient ces étendues sombres, où la nature et la magie se mêlaient parfois. Tous n’étaient pas agressifs, comme ces farfadets facétieux dont on parlait dans les contes au coin du feu, mais pour des êtres de la taille des humains, il valait mieux être expérimenté que novice.

Durant sa veille, jean avait enseveli leurs trois infortunés compagnons sous un amas de grosses roches en espérant que cela suffirait pour que leurs corps ne soient pas profanés par les prédateurs de la région.
Au petit matin, il demanda à Eryn et Clostriana de bien vouloir se charger de l'éloge funèbre. Chacun son boulot!

Aidé de Runica et de leurs compagnons à quadrupèdes, Jean rechercha les traces de leurs assaillants afin de voir d'où ils pouvaient venir.

Si ceux-ci venaient en sens opposé à leur cap, il était probable que l'attaque ne dut rien au hasard.

Runica se sentait nerveuse malgré le calme du reste de la nuit.

Putain mais pourquoi je suis là. Elle examinait les environs avec méfiance s'attendant à une nouvelle attaque à chaque bruissement.

Jean se mit à chercher des traces et la rôdeuse l'imita car il était plus prudent de trouver le camp adverse avant de tomber dessus comme des fleurs par inadvertance.

Alors que Jean partait dans une mauvaise direction, sa compagne l’attrappa par la manche en indiquant les traces des trois hommes-démons qu’elle venait de retrouver.
A partir de là, remonter la piste serait facile. Celle-ci allait droit vers le Nord.

Mélor proposa un ordre de marche à ses camarades pour être prêt à réagir à toute situation :

• Jean à l'avant pour suivre la piste, avec Carmina pour l'aider à surveiller les alentours
• Eryn pour protéger l'arrière-garde
• Mélor et Echtach sur les deux côtés pour être prêts à réagir
• Clostriana au centre pour soutenir tout ce beau monde, et Sylas qui la protège
• Dolit et Runica autour de Clostriana, surélevés sur des chevaux, prêts à flécher tout ce qui bouge

Echtach était de constitution robuste, et Jean avait certainement l'habitude d'évoluer dans la forêt à pied. Mélor devait se tenir prêt à réagir au plus vite. Si Clostriana et Sylas partageaient un cheval, les trois hommes pouvaient continuer à pied et tous les autres auraient un cheval.

L'organisation proposé par Mélor convenait parfaitement à Jean même s'il ne profitait pas de l'appui de Runica, il n'y avait aucunes raisons pour qu'il ne s'en sort tout seul comme un grand.
De plus son archère préférée pouvait surveiller ses fesses ce qui lui avait déjà sauvé la vie plusieurs fois.

Le Capitaine de la garde de Bocsombre avait acquis une habitude des formations de déplacement lors de ses nombreuses campagnes effectuées en tant que mercenaire. Avec l’autorité naturelle émanant de sa fonction, il indiqua donc à chacun sa place, afin que le groupe soit le plus en sécurité possible. Sylas, Dolit et Carmina, reconnaissant là un supérieur naturel, prirent leur position, à un détail près : Sylas refusa catégoriquement de prendre une place sur un cheval. Il marcherait aux côtés de Clostriana.

Le groupe s’ébranla donc vers le Nord, toujours aussi impressionnant malgré la perte des trois hommes. La piste des trois fuyards de Simore longeait la sombre forêt en se tenant à une bonne distance de celle-ci.
Vers midi, Jean et Runica repérèrent d’autres traces de pas humains, incongrus si loin des habitations. Il n’aurait su dire combien il y en avait, mais peut-être une dizaine au total. De là, la piste bifurqua directement vers l’Ouest. Quelques centaines de mètres plus loin, les compagnons se tenaient face à l’enfer végétal que constituait cette sombre forêt.
Les deux rôdeurs savaient ô combien celle-ci était grandement inexplorée. Des connaissances acquises par les compagnons, on y trouvait de nombreuses créatures, certaines « communes » comme des ogres ou des trolls, d’autres plus rares, comme des fées ou des dragons. Les communautés humaines qui osaient en parcourir une partie étaient rares. Les bucherons près de Sangris ou de Bocsombre, dont Jean faisait partie, exploitaient le bois des abords de la forêt. On savait que les brigands sévissant entre Bocsombre et Rivourbe avaient établi un campement très sophistiqué, dont Mélor aurait aimé connaitre l’emplacement exact. Enfin, plus au Sud de leur position, une communauté druidique y vivait en autarcie, et peu nombreux étaient ceux qui avaient pu les rencontrer.

Eryn se sentie mal. Si elle n'avait pas insisté au cours de son voyage, ses hommes n'auraient pas été désignés, et encore en vie. "Avec des 'si', on peut refaire le monde" comme dirait la mère supérieure du couvent... Mais n'empêche que c'était vrai.

Des livres sacrées prêtent à Tyr que "plus le sacrifice est grand et plus le combat est honorable. Nul ne doit ressentir de tristesse car il ne peut y avoir de regret puisque une bataille en mon nom est toujours juste"... Mais on prêtait beaucoup de chose à la bouche de Tyr...

Une prière et un respect dû aux dépouilles, autant que l'urgence de la situation le permettait, et ce fut tout ce qu'il lui etait possible de faire. A l'arrière, les yeux rivés sur le groupe, elle ne pouvait plus que faire de son mieux pour plus aucun ne tombe.

Continuer à évoluer dans cette forêt ne rassurait pas forcément Mélor. Le groupe était peut-être trop au Nord des bandit qui la parcouraient, mais le soldat ne pouvait s'empêcher de repenser à l'état de Maëlys lorsqu'il l'avait retrouvée entre leurs mains. Le groupe qu'il poursuivait n'avait certes encore rien fait à sa sœur, mais il était entièrement responsable de la mort de Ragnar. Aussi avançait-il plus déterminé que jamais à empêcher les plans de cette secte maléfique.

Les compagnons se regardèrent, vérifièrent leurs positions respectives, leur armement, lancèrent aux dieux une petite prière pour les défunts passés et à venir, et d’un pas assuré, entrèrent dans la Sombre Forêt. Un nom inquiétant, peut-être, mais sur les premiers cent mètres, celle-ci ressemblait à toutes les forêts, si ce n'était que la végétation, peut-être plus dense qu'ailleurs, emprisonnait l’obscurité sous les arbres, et les rayons du soleil avaient du mal à se frayer un passage jusqu’au sol.

Les traces d’un passage humain se multipliaient aux yeux des deux rôdeurs. Pas dans la terre boueuse, brindilles cassées aux abords d’un buisson, parfois même une branche coupée pour permettre le passage : Les trois fuyards de Simore n’avaient pas pu à eux seuls créer toutes ces perturbations de l’ordre naturel.

Au bout de deux cent mètres, les compagnons débouchèrent sur une clairière d’une vingtaine de pas de large au centre de laquelle se tenait un groupe de cinq menhirs disposés en cercle. La solennité du lieu éclatait grâce à une trouée dans les arbres, qui projetait une lumière dorée sur deux des menhirs. Peut-être que plus tôt, vers midi, ces rayons tapaient juste au centre de ce monument artificiel.
Autour du cercle, sur la droite, des restes d’un campement récent montraient que des gens avaient attendus ici quelques jours. Des feux avaient été organisés. Sur la gauche, des traces plus étranges marquaient le sol et l’écorce des arbres.

Runica examina les environs avec méfiance. Tout ceci lui rappelait bien trop le cercle de pierre gobelin et sa fuite depuis lors.

La rôdeuse ne s'approcha pas trop du campement. Elle inspecta les arbres marqués en restant à distance raisonnable de ceux-ci afin de ne pas risquer d'activer un quelconque piège puis en chercha un "normal" afin de pouvoir l'escalader.

Jean partageais la méfiance de Runica et de ses autres compagnons.

Que pouvait cacher l'apparent calme?

Il prit le temps d'observer les lieux avant de chercher quelle bête ou monstre avait pus laisser sa marque sur les arbres.