« Merci bien .... » charlotte signe à l'endroit indiqué.
« Oh ! Je vous en prie ! Faites taire vos inquiétudes et votre curiosité.....
J'ai recueilli ici une malade.....très amochée.
Elle va s'en remettre.
N'ébruitez donc pas de commérages inutiles.
Tout va bien. »

Le facteur, prit en flagrant délit de curiosité mal placé, se redressa et fit mine de s’offusquer.
« Mademoiselle, j’apporte les nouvelles, je ne colporte pas des commérages ! Au revoir ! »
Il prit son vélocipède, et s’en alla précipitamment vers la maison suivante.
S’il discutait un peu avec tous les clients des postes, entre la sortie précipitée et peu discrète de Charlotte ce matin, le facteur, et les enfants partis dans les rues, bientôt tout le quartier serait au courant que la demoiselle Touttain avait accueilli une inconnue.

La preuve en était la présence du Père Adelphe, d’ailleurs.
Pour la discrétion sur le sujet, c’était plutôt raté.

Le Père Adelphe attendit que Charlotte ait refermée la porte derrière elle pour poser la question qui lui brûlait les lèvres : « Il semble donc que Madame Mulot ait trouvé une jeune femme ensanglantée, ce matin, me dit-elle ? »

« Parfaitement .... Laisser-moi vous offrir une tasse de thé, il me semble que nous en avons tous besoin.... »
Charlotte sert le père Nantier et s'assoit avec lui et Dorine Mulot à la table du salon.
Elle ressert Dorine en thé puis se ressert elle-même.
« Mme Mulot, ici présente, m'a tirée du lit ce matin en tambourinant à ma porte chargée d'une pauvrette violemment molestée et toute sanguinolente. Sans Mme Mulot, la pauvre fille aurait trépassé dans la rue.
J'ai fait ce que j'ai pu pour la soigner, mais c'était très insuffisant.
J'ai donc couru chercher le Docteur Bollard pour lui demander de venir faire quelque chose.
Le Docteur sort d'ici, vous l'avez croisé. Il dit qu'elle devrait être tirée d'affaire, mais elle va devoir garder le lit 3 jours. Nous l'avons installée dans la petite chambre ici.
Il faut que j'aille lui chercher des médicaments. Il faudrait avertir la police. Il me faudrait une garde-malade au moins le temps que je tienne la classe. Je dois aussi préparer la soupe des petits pour ce midi..... » Charlotte soupire à son bol de thé
« Je vais avoir besoin d'aide .....il me faudrait quelqu'un qui accepte de rester ici. Au moins pendant mon absence... »

Le Père Nantier et Dorine se firent offrir le thé sans rechigner.
« Ca oui, elle a dérouillé, la chiotte ! » fut le commentaire imagé de la femme.
« J’l’ai trouvée presqu’ dans l’égout, dans la rue des trois culs bénis. Heu … excusez-moi, mon père… Il y a là un passage pour l’égout, entre deux maisons, vous voyez ? Elle était couchée là. Mais pour sûr, elle vin’ pas d’là. Elle s’a s’trainaillée…
- Oui, une bien triste histoire. Pas inhabituelle, malheureusement. Je pense qu’il faudrait parler à la police de tout cela, vous ne pensez pas ? » répondit le prêtre.
« Heu… hum… » Dorine semblait embarrassée. « Je ne voudrais pas vous déranger plus longtemps… »

« Madame Mulot, je pense que la police ne devrait pas vous inquiéter. De toute façon c'est moi qui les avertirai, je ne donnerai pas votre nom si ce n'est pas strictement nécessaire.
Mais si vous vouliez bien rester encore un peu pour garder un œil sur elle, au moins le temps que je m'absente, vous me rendriez service. Elle pourrait se réveiller, il faudrait lui donner à boire. Elle a perdu beaucoup de sang, il faut qu'elle reprenne des forces. Si elle pouvait nous dire son nom, cela aiderait. Et puis je dois passer à la pharmacie pour lui chercher ses médicaments et au marché pour la soupe de ce midi. » Charlotte réfléchi un peu ....
« Vous dites qu'elle a été trainée là ? Qu'est-ce qui vous fait dire cela ? »

Charlotte contemple l'état de ses "invités" : Dorine Mulot commence à se remettre de l'aventure de ce matin, le Père Nantier semble concerné par cette affaire ... entre le facteur, la course de ce matin pour aller quérir le Docteur, les gamins de l'école.... « Assurément, tout le quartier doit être en train de jaser ... Mais ce n'est un secret pour personne que j'apporte occasionnellement quelques soins à ceux qui en ont besoin ... Madame Mulot, pourquoi avez-vous pensé à venir me trouver, moi, plutôt que le docteur ? »

Dorine se rassura quand Charlotte parla de ne pas donner son nom à la police, mais s’offusqua des questions qu’on lui posait.
« Heho ! Moi j’y suis pour rien, hein ! Y avait du sang, plus loin, dans l’égout. Elle a du être jetée ailleurs, et s’est trainée là. ‘fin, j’crois. Pî v’z’et’ plus près que le rebouteux, et il est pas ouvert tôt l’matin. Pî j’po réfléchi, aussi, avec ça dans l’bras !
- Je vous crois, madame Mullot. Le seigneur a guidé vos pas jusqu’à cette demeure, et a décidé que cette femme devait vivre. Nous devons maintenant faire le nécessaire pour que ce soit le cas. »

L’intervention du prêtre avait l’air d’avoir calmé Dorine. Mais, à l’expression de son visage, elle devait se demander ce que venait faire le Seigneur dans cette histoire.

« Mademoiselle Touttain, si vous avez besoin de temps, je peux prendre la classe cet après-midi, et garder un peu la … blessée.
- Moi, chuis désolée, mais il faut que j’gagne ma croute. J’ai déjà du retard sur ma lessive, et si je nettoie pas, j’suis pas payée, vous comprenez… »

Charlotte considère les propositions ....
« Merci mon père...Effectivement, si vous prenez la classe cet après-midi, cela me dégagera un peu de temps pour tout ce qu'il me reste à faire aujourd'hui .... »
« Madame Mulot, votre lessive....vous pourriez aussi bien la faire ici, non ? Je vais devoir vous y ajouter le drap et les linges que nous avons utilisés ce matin.... »
S'adressant à ses deux interlocuteurs elle ajoute ...
« Il va vraiment me falloir une aide ici, pas uniquement pour ces prochains jours ... Pourriez-vous me conseiller quelqu'un ? »

« Si vous voulez bien m'excuser une seconde, je reviens de suite ... » Charlotte se lève, prend la théière et retourne la re-remplir à la cuisine, puis elle passe jeter un oeil sur la malade, afin de s'assurer de sa respiration et de son éventuelle reprise de conscience.
Cette vérification faite, elle retourne à la cuisine récupérer la théière enfin infusée, remet de l'eau à chauffer et revient au salon ...
« En l'état actuel, je ne me sens pas assez tranquille pour laisser la maison et surtout cette pauvre petite sans surveillance » ajoute Charlotte en reposant la théière sur la table.
« Qui reprend un peu de thé ? ... »

Le sens des affaires de Dorine prit le dessus sur l’aide bénévole demandée.
« Et ce s’rait payé combien c’tt’ histoire ? Pour faire des lessives à domicile, c’est plus cher. »

Le Père Adelphe, sourit.
« Je vais m’écarter pour vous laisser trouver un accord…
Pour ce matin, je puis également rester, afin que vous régliez vos différentes affaires. Je vois que vous avez des livres des saintes écritures, je resterai donc en de bonnes compagnies. »
Il s’absorba dans la contemplation des titres des livres concernés, laissant Charlotte et Dorine finir leur discussion.

Charlotte sourit ...
« Et bien Madame Mulot, combien prenez-vous pour un panier de linge ? Vous faites-bien vos lessives dans votre courette, non ? Ce que je vous propose, c'est de faire vos lessives ordinaires ici à la place, je vous paye mon linge en plus, c'est bien naturel.... Et quelques gages de plus pour rester ici ... disons 10 francs par semaine »

« Bien évidemment, l'idéal serait que vous puissiez rester ici à demeure, mais je ne sais pas si vous avez des charges de famille ... Cela dépend de vos possibilités....Vous seriez logée et nourrie, je vous demanderais de vous occuper un peu du ménage, beaucoup des lessives, de m'assister pour les soins, .... là encore cela dépend de ce que vous êtes en mesure de me proposer... Mais au minimum d'être là pour veiller les malades et laver le linge. En termes de gages directs, je ne peux pas vous proposer plus, quoi qu'il en soit ; en termes de facilités et de services, en fonction de votre implication on doit pouvoir s'arranger... »

« Pour faire simple, Madame Mulot, avez-vous charge de famille ? ou pourriez-vous sans difficulté vous installer ici à demeure ? Je ne voudrais pas vous mettre en difficulté, on pourrait trouver un arrangement ....
Si vous pouvez vous installer ici, je peux vous loger, nourrie blanchie, cela va sans dire. Si vous avez des proches qui dépendent de vous, je vous demanderais d'assurer au moins les journées....disons de 9 à 19h ..... »

Dorine mit l’une de ses mains sur une hanche, tandis que de l’autre, elle se grattait la tête.
« … dix francs par semaine … ça fait par jour … gnagna … »
Une intense réflexion calculatoire semblait l’avoir prise de court. Mais son visage s’éclairait au fur et à mesure que les chiffres se mettaient en place dans son cerveau.

« J’ai qu’un fils, Jehan… vous l’avez en cours, mademoiselle Touttain. Si vous voulez, on peut aménager ici. Il ne fera pas de bruit, il est tout le temps dehors… et il m’aidera pour faire vos courses… et on vous servira qu’à vous … »
Dorine semblait intéressée par habiter dans la maison de Charlotte, plutôt que dans le lieu insalubre dans lequel elle devait être, et qu’elle devait payer à prix d’or qui plus est. Elle concevait que son fils soit un obstacle à cela.
Surtout, elle ne discutait pas le salaire. Charlotte savait que c’était là une somme intéressante pour une personne n’ayant pas de revenus réguliers.

Dans ces conditions.....
« Oui, bien sûr ....
Jehan pourrait assurer les menues courses, donner la main aux petits travaux, réviser ici avec moi ses leçons .... ...Nous aurions tous à y gagner.... » Charlotte sourit
« Si vous en êtes d'accord et puisque notre bon Père Nantier se propose de nous décharger quelque peu, je vous invite à vous installer ici dès aujourd'hui.... Il est urgent de passer à la pharmacie ! »

Charlotte ressert du thé....pour Dorine Mulot et pour elle...
puisque le Père Nantier s'est écarté dans une pièce attenante
« Je ne voudrais pas vous forcer la main....mais j'ai tellement besoin d'une aide ici..... »

« C’est d’accord, alors ! » répondit Dorine, rayonnante.
« Merci beaucoup ! Je vais aller chercher mes affaires et décommander la lessive. Et puis j’arrive avec Jehan. »
Manquant de se brûler en absorbant à une vitesse prodigieuse le thé proposé, elle sortit de la maison en trombe.

Le Père Aldelphe réapparut dans la pièce, souriant.
« Vous avez trouvé un accord, me semble-t’il. Très bien, très bien. Dorine me semble une honnête femme. Vous devez la connaitre, pour la prendre chez vous. »
Il maintenait ses mains réunies devant lui.
« Et si vous me présentiez la patiente, mademoiselle Touttain ? Comme promis tout à l’heure, je la garderai pendant que vous irez à la pharmacie et voir la police… »

« Oui, Dorine Mulot est une brave femme...et son petit Jehan pourra réviser plus attentivement ses leçons....et une présence ici me rendra service.... » Charlotte se lève
« Venez donc voir cette malheureuse...j'espère qu'elle sera enfin consciente....et peut-être pourrez-vous la reconnaître et me donner son nom..... » Charlotte accompagne donc le père Nantier jusqu'à la salle de repos où se trouve la jeune blessée

Le père Nantier suivit Charlotte dans la pièce d’à-côté.
Il se signa en voyant le visage tuméfié de la malheureuse, qui n’avait toujours pas ouvert les yeux. De toute façon, même consciente, elle aurait eu du mal à les ouvrir, tellement ils étaient enflés.

Le prêtre secoua la tête : « Désolé… mais je ne reconnais pas cette jeune … » il prit la main gauche, et ne voyant pas de marque d'une alliance, affirma « … demoiselle. Mais il est difficile de reconnaitre quelqu'un, en voyant ce visage. Je ne saurais être sûr de moi. Peut-être dans quelques jours... »

En voyant les habits déchirés entassés dans un coin de la chambre, il compléta : « La main est fine. Elle n’est pas une ouvrière… Peut-être vient-elle d’une maison close ? »
Charlotte connaissait la vie de certaines de ces prostituées qui avaient atterries ici après des maltraitances dans des maisons closes douteuses, aux méthodes bien loin de celles des beaux quartiers. Certaines filles venaient seules de province, et leurs parents ne connaissaient même pas le travail qu’elles étaient forcées de faire à Paris. Si elles refusaient, elles étaient tabassées ... et devaient ressembler alors à la jeune fille qu'ils regardaient en ce moment. Un rêve qui devenait un cauchemar.
C'était certainement le cas de Dorine, d'ailleurs... Celle-ci ne s'était jamais étendue sur le sujet.

« Bien, je vous laisse régler vos affaires. » dit-il en conclusion, en revenant dans la pièce principale.

« Merci mon père....
Je vous confie la malheureuse....Si elle se réveille, il serait bon qu'elle puisse boire...de l'eau ou du thé....elle a perdu tellement de sang.....il faut qu'elle se réhydrate.....
Elle n'a pas été que battue, elle a aussi été violentée. Je ne sais ni qui elle est, ni d'où elle vient...une maison close, ce serait possible.... Si elle dit quelque chose, les informations seront précieuses, mais je vous fais confiance pour ne pas la harceler ... ma priorité c'est surtout qu'elle puisse se remettre.... Elle nous parlera quand elle y sera prête ....
Bon, je ne vais pas vous monopoliser trop longtemps, je file à la pharmacie, à la police, au marché et je reviens au plus vite.... »

Enfin rassurée Charlotte s'avise que pour ces visites, il vaudrait mieux qu'elle soit plus présentable et monte dans sa chambre s'apprêter ...
Robe, bottines, coiffure, chapeau, manteau ... en 15mn elle a enfin une allure civilisée.

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Dans un premier temps, Charlotte se dirige vers la pharmacie où elle se fait remettre les médicaments, chimiques et naturels, prescrits.
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Une fois enfin servie à la pharmacie, s'avisant qu'avec la police, il va être difficile de répondre aux questions qu'on risque de lui poser avec le peu de réponses dont elle dispose, elle se dirige vers le marché.
Là, elle se procure tranquillement les vivres nécessaires pour la grande soupe du midi et un solide dîner pour quatre, dans l'espoir que la jeune fille soit enfin réveillée ...
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Sur son retour, chargée de ses achats, elle cherche des yeux sur son trajet un agent à qui elle pourrait se contenter de passer l'information.
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Enfin habillée correctement, Charlotte retourna dans la rue.

La pharmacie du quartier de Belleville faisait plus penser à une boutique d’herboriste qu’à un centre moderne luttant contre la maladie. Sur des étagères de bois, des pots contenant diverses herbes s’alignaient au côté de flacons contenant des liquides médicinaux.
Au centre de la pièce trônait une grande table de bois sur laquelle le pharmacien, un vieux monsieur courbé avec des lunettes rondes, mettait en paquet des mélanges de plantes préparés sur l’instant.
A travers une porte ouverte, derrière le comptoir, on pouvait voir un petit laboratoire plus propre, avec des bocaux remplis de poudres de diverses couleurs, et des outillages complexes en verres.
Enfin, une petite armoire contenait des médicaments produits par procédés chimiques, plus actuels.
Charlotte repartit, après un temps qui lui parut interminable, avec plusieurs herbes et onguents à appliquer sur les plaies, et quelques-uns de ces médicaments. Notamment de l’Héroin, un substitut à la morphine, agissant contre la douleur, et « qui avait l’avantage de ne pas provoquer de dépendance », selon le pharmacien (*).

Se promenant entre les étals du marché, elle trouva ce qu’elle désirait pour les repas prévus. L’une des vendeuses de légumes, qui la reconnaissait, lui demanda : « Dites… On m’a dit que vous auriez retrouvé chez vous un mort avec plein de sang, que même le médecin il l'a pas pu le soigner ? »

Puisque la rumeur veut courir....
Charlotte se penche vers la marchande d'un air de conspiratrice « On vous a mal informée !
Il n'y a pas de mort chez moi !
Une jeune fille sauvagement battue a été trouvée dans la rue et on me l'a amenée.
J'ai fait venir le médecin, elle doit garder le lit quelques jours, elle devrait se rétablir. Je m'occupe d'elle. »
Se redressant, elle ajoute avec le sourire « Vous comprenez bien que je ne peux pas m'attarder ... j'ai ma soupe à faire .... »
Charlotte finit son marché et se met en quête d'un agent ....

La vendeuse, rassurée, lui vendit ses légumes sans autres questions.
Plus loin sur le marché, elle entendait déjà la nouvelle rumeur sur son sujet du jour : « … Je vous assure : Je le tiens d’une amie qui a rencontré quelqu’un qui connait bien la personne qui l’a recueillie. Ce n’est pas un homme, mais une femme. Elle reste tout le temps dans son lit et elle s’est faite tabassée à coup de légumes. Elle irait mieux : Elle mange de la soupe avec le médecin… »
La rapidité avec laquelle l’information circulait générait certainement quelques distorsions…

Déambulant autour du marché, un policier aux favoris développé, le chapeau vissé sur la tête, fumant une pipe, jetait un regard sévère sur des enfants quelques peu chapardeurs, s’attendant de leur part à un quelconque méfait dès qu’il aurait le dos tourné.

Chargée de ses courses, Charlotte s'avance vers l'agent, ne le quittant presque pas des yeux, afin d'attirer l'attention de ce dernier sur le fait qu'elle vient le trouver.

« Bonjour Monsieur l'agent, j'ai une information à communiquer à la police, ce serait bon que vous puissiez en avertir qui de droit. » le préambule est quelque peu inhabituel, mais l'attention de l'agent devrait être ainsi acquise.

Posant ses paniers, Charlotte poursuit.
« Voilà.
Je suis Mademoiselle Charlotte Touttain, l'institutrice de la petite école à côté de la chapelle Sainte-Claire, j'ai mon logement attenant.
Ce matin on m'a amené une jeune fille blessée. Battue à mort ou peu s'en faut. Et violentée en plus. Elle a été trouvée vers les 7h ce matin, au bord de l'égout, dans la rue des trois culs bénis, il doit y avoir par là quantité de sang.
Elle n'a toujours pas repris connaissance et je ne sais pour l'instant ni son nom, ni rien la concernant à part qu'elle se trouvait dans un état critique. Je lui ai prodigué les premiers soins. J'ai fait venir le médecin. Il l'a examinée, complété mes soins et a dit qu'elle devrait garder le lit au moins 3 jours et que son état ne permet pas de la transporter à l'hopital. Elle devrait se remettre. Je la soigne chez moi.
Il me semble que la police doit être informée, mais je ne dispose pas de plus d'éléments à vous communiquer. »
Se baissant pour reprendre ses paniers, Charlotte conclut « Je rentre chez moi libérer le père Nantier qui surveille ma malade le temps de mes courses. »

Malgré la supplique précise de Charlotte, l’agent de police n’avait pas quitté de l’œil les chenapans qui n’attendaient qu’une ouverture pour voler quelque chose. Enfin, selon le policier.
La réponse qu’il fit n’allait pas plaire à Charlotte :
« Hein ? »

Les informations arrivant au compte-goutte à son cerveau, il lissa sa moustache, et se reprit après avoir tiré une fois de plus sur sa pipe.
« Mademoiselle, que penseriez de l’organisation de la police si elle se mettait à prendre pour déposition quelques phrases dites à la sortie du marché ? »

Il laissa quelques secondes le temps que cette question fasse son effet, mais il poursuivit en voyant que l’institutrice allait réagir :
« Nous travaillons, dans la police ! Si je suis ici, c’est pour une bonne raison. Je ne vais pas quitter mon poste à chaque fois qu’une personne me donne une information. Un conseil : Si vous voulez que votre affaire soit traitée, il faut faire une déposition au commissariat. »