Charlotte retrouva ses effets dans le hall, pressant un peu Toinette pour les recevoir plus vite.

Une fois dans la rue, elle opta pour le moyen de transport le plus efficace pour rentrer à Belleville : celui qu’elle avait pris à l’aller, le tramway électrique. Elle put arriver à quatre heures dix devant sa maison.

Les élèves sortaient du bâtiment d’à-côté, causant le chahut habituel. La classe était terminée depuis dix minutes. Jehan, qui rejoignait Charlotte, se fit moquer de lui :
« Allez, rentre chez toi, le chouchou ! Ha ha ha ! »

« Du calme les enfants ! et Jehan n'aura de ma part que les leçons complémentaires destinées à lui faire remonter son niveau !
D'ailleurs, si cela tente un autre d'entre vous, je prendrai en pension chez moi le dernier de la classe au vu de vos résultats de la composition du mois prochain ! N'allez pas croire que c'est une partie de plaisir ! »
non mais ! Cahuter comme ça un camarade ...
Charlotte arrive donc dans son vestibule et annonce son arrivée de façon sonore : « Je suis rentrée ! Où êtes-vous ? » la question s'adresse naturellement à Dorine Mulot que Charlotte ne voudrais pas surprendre, mais également retrouver au plus vite !
ce disant elle se dirige vers la cuisine, gageant que la plus haute probabilité de trouver Dorine se situe dans ce secteur ...

Les enfants, prudents, se turent à la menace de Charlotte. Etre en pension chez la maîtresse Touttain ne semblait pas être le rêve de ces élèves. Mais une fois plus loin, les rires reprirent de plus belle.

Charlotte trouva Dorine dans la cuisine, regardant un peu dans toutes les armoires.
« Ha ? Vous êtes de retour. Je regardais où étaient situés les choses… Vous n’avez pas de gaufrier en fonte ? »

« .....il me semble qu'il doit se trouver là........derrière les grandes marmites........ » dit Charlotte en dégageant pêle-mêle lesdites marmites sur le sol pour dégager le placard et en extraire effectivement, tout au fond, le gaufrier « Je ne m'en serts pas souvent ..... » ajoute-t-elle en replaçant les marmites, soigneusement dans le placard.
Se relevant elle regarde l'état de sa robe, qui n'a pas spécialement apprécié le sol de la cuisine ... « Oh ! Zut ! Ma robe ! Je vais devoir me changer ... Et je n'ai pas assez de tenues de cette qualité pour le séjour que je dois faire .... » Embarrassée, Charlotte regarde Dorine et ajoute.
« Je vais devoir passer quelques jours chez Monsieur le Comte, j'espère en avoir pour moins d'une semaine, mais rien n'est sûr ... Je vais vous laisser un peu d'argent pour les courses ordinaires, économisez-le précieusement ... Comme si cela devait vous durer un mois ou deux...au moins...
Ainsi on pourra faire les comptes à mon retour.
Je suis à peu près certaine que vous savez économiser, mais que vous saurez assurer le nécessaire pour la soupe du midi à l'école et pour que Jehan et vous mangiez «correctement» et «suffisamment»... N'est-ce pas ?... »

Elle regarde encore le bas de sa robe « un peu d'eau et de savon, et ce sera rattrappé si elle parvient à sêcher ... Mettez donc le fer à chauffer, je vous laisse ma robe, je monte faire ma valise, et je devrais pouvoir la remettre avant de partir ... Qu'en dites-vous ? »

Dorine remercia Charlotte pour la trouvaille d’un gaufrier.

« Ha ben vot’robe, mademoiselle ! Pour sûr, mademoiselle Touttain. Je garderai précieusement cet argent… et la maison ! »
Elle s’activa pour relancer le poêle, et y posa le fer à repasser dessus. « Jehan ! Va chercher un peu de charbon ! » Le jeune s’exécuta.

« La petite s’est pas encore réveillée » annonça Dorine avant que Charlotte ne le demande, et surtout, fonce dans sa chambre pour faire sa valise. « Demain, peut-être… »

« Merci pour tout ! » Charlotte envisage un instant de se dévêtir ici-même, mais avec Jehan dans la maison ... « Accompagnez moi à ma chambre je vous prie...Comme ça je vous confie ma robe et je fais ma valise .... »
Sitôt dit, sitôt fait, Charlotte grimpe dans sa chambre, extrait d'un petit tiroir fermé à clé de son secrétaire les 350 francs qu'elle garde en réserve, les fourre dans sa poche et referme à clef le tiroir avant l'arrivée de Dorine.
Là, elle enlève sa robe et la pose délicatement sur le lit. Enfile une robe de chambre et entreprend de faire sa valise ... prévoyant de pouvoir se changer pour une semaine, en sélectionnant les vêtements les plus élégants, mais comme cela ne suffira jamais, elle prend également quelques vêtement plus pratiques. Et puis on ne sait jamais, s'il faut aller fouiner dans des quartiers plus "peuple", elle aura au moins les tenues adaptées....

Dorine trouve donc Charlotte affairée à faire particulièrement soigneusement sa valise, en robe de chambre, la robe à laver attend sur le lit.
Charlotte plie les vêtements et les tasse de façon à limiter les faux plis et parvenir à caser à l'intérieur de la valise un maximum de vêtements.
« Voici pour la maison, pendant mon absence, n'oubliez pas de me faire faire un jeu de clefs de la maison. » dit Charlotte en tirant 5 billets de 20F de sa poche et en les confiant sollennellement à Dorine « Faites durer, je ne sais pas quand je pourrais revenir ». Charlotte continue sa valise.
« Pour notre malade, je vous la confie, tant qu'elle a besoin d'être soignée et après également ! Je déconseille fortement qu'elle sorte de la maison, même une fois rétablie. Nous ne savons pas qui l'a mise dans cet état, ni pourquoi ; et je ne voudrais pas qu'une telle mésaventure se renouvelle. »
Charlotte continue de charger sa valise. « Je vous laisse vous occuper de ma robe, j'ai presque terminé mon bagage. »

Dorine prenait les ordres de Charlotte comme un cuisinier prend les plats à faire en cuisine : A la volée, devant se souvenir de tout.
« A pas de problème, mademoiselle, ça sera fait ! »
Pour son premier jour, Dorine faisait face à une situation bien complexe. Mais la promesse de l’avenir meilleur que lui promettait Charlotte donnait des ailes à sa motivation.
Elle prit la robe, laissant Charlotte seule dans sa chambre. Cette dernière entendit Jehan trainer un seau de charbon au rez-de-chaussée, jusqu’à la cuisine et son poêle.

La robe serait bientôt prête.

Une fois sa valise enfinterminée ...
elle est quand même étonnée d'être surprise, devant la contenance de sa valise
Charlotte, habituée à faire les choses elle-même la descend au pied de l'escalier.
toujours en robe de chambre elle passe voir la malade...
prend un temps pour lui rafraichir le visage
puis se dirige tranquillement vers la cuisine pour y retrouver Dorine et sa robe ....

Dorine, avant d’entrer au service de Charlotte, vivait de petits travaux irréguliers. Le traitement du linge, et son repassage, faisait partie de ses compétences.

Ainsi, il ne lui fallut pas longtemps pour repasser la robe de Charlotte une fois celle-ci lavée.
« Ca se repasse. Alors une grosse soupe par jour aux gosses à l’école, et on mange aussi, et on fait durer ça. C’est tout ? » dit-elle avec un geste vers les soixante francs posés sur la commode.
Dorine, en ayant vécu dans la difficulté une grande partie de sa vie, avait rarement possédé une telle somme, certes. Mais elle n’était pas suffisante pour lui tourner la tête.

Encore un peu humide, elle tendit la robe fumante à sa tornade de patronne. Les plis étaient très bien réalisés.

• « Si jamais vous avez la moindre difficulté, vous me le faites savoir chez M. Le Comte de St Perrier »
• « Merci pour la robe, tenez la porte, je la passe de suite »
• « Dès que notre malade sera capable d'expliquer ce qui lui est arrivé, faites-le moi savoir de même »

....« ça ira ? »

Charlotte était fin prête pour repartir. Dorine, à qui étaient confiées les clés de la maison dès son premier jour de travail, ainsi qu’une malade, semblait tenir la pression.
« Ca ira, Mad’moiselle. » répondit-elle d’une voix assurée. « Dès qu’elle se réveille, j’envoie Jehan vous le dire. Mais ça sera pas avant demain, si on écoute ce qu’à dit le docteur. »

Quand Charlotte ouvrit la porte, un éclair zébra le ciel. Le beau temps était fini pour aujourd'hui, semblait-il...

Ouïlle ! Bon ... Parapluie ! J'aurais risqué de l'oublier ...
Charlotte regarde sa valise regarde Dorine ... regarde sa belle robe toute propre et repassée ... « Et si on envoyait Jehan me chercher un fiacre ? ... » demande alors Charlotte avec une petite moue

Jehan s’exécuta en ronchonnant sur l’ordre de sa mère. Il revint quelques temps après, que Charlotte mit à profit pour piétiner sur place et soupirer tout son saoul sur cette voiture qui n’arrivait pas.
Après avoir ouvert la porte de son fiacre à deux places de la Compagnie Générale (le N°2637, selon la plaque), le cocher, grognon à cause du temps, vêtu d’un carrick crasseux à sept collets, la tête enfouie sous un lourd bonnet de laine que coiffait un chapeau déformé, escalada son siège après avoir allumé sa pipe, au moment même où une pluie fine commença à tomber. Il inscrivit l’heure et le lieu de la prise de la demoiselle sur un carnet.
Charlotte, elle, était à l’abri de la cabine garnie de drap bleu, qui offrait sinon un grand luxe, au moins un confortable suffisant.

Quelques dizaines de minutes plus tard, elle était à nouveau devant l’hôtel particulier du Comte, délestée de plusieurs francs. Bien sûr, une partie irait à la Compagnie Générale, une partie reviendrait au cocher sous forme de salaire, et une partie serait détournée par lui de façon totalement illégale.

« Merci mon brave. Je vous souhaite que ce crachin cesse rapidement.
Peut-être que la compagnie pourrait penser à un moyen d'abriter également les cochers...
Bonne fin de journée à vous...dans la mesure du possible ....
Auriez-vous l'amabilité de me porter ma valise jusqu'au porche ? »
Sur ce, Charlotte se précipite au porche du Comte et active la sonnette.

De façon appuyée, la sonnette retentit...
Charlotte ne tient pas rester se tremper sous la pluie

Charlotte fut reçue par Georges, et après avoir été débarassée de ses vêtements, fut conduite à la salle à manger pour le repas.

La suite pour Charlotte ici.