Le docteur Duchamp fit mine d'accepter avec bonhomie les consignes aussi précipitées que le départ du margoulin préfectoral et inclina la tête en connivence vers Lavoisier à sa dernière remarque... Se tournant vers Charlotte, il vérifia auprès d'elle : « Mademoiselle, vous n'avez rien trouvé impliquant monsieur le commissaire, que je sache ? Fort bien. » Puis il se tourna vers son nombreux auditoire, debout en cette pièce exiguë. « Oui, commissaire," l'Affaire Magnolia "! Désolé de devoir encore parler en introduction de ce continent de toutes les convoitises, où les plus noirs desseins ne sont pas -malgré leur apparence- chez ceux qui y sont nés. Des intérêts métropolitains miniers et agricoles ont investi énormément dans la région de Gamboma, et ont poussé des exploitants à en piller sans scrupules les ressources et les détourner à leur profit, quitte à martyriser et même massacrer les populations locales comme aux pires périodes de l'esclavage... Des malandrins profitant de l'éloignement métropolitain pour bafouer les lois et même les plus simples principes de l'humanité. Sans limite, puisqu'ils avaient corrompu les représentants de l'ordre sur place, c'est à dire nos propres forces militaires. C'est de là que le capitaine Duport est issu, c'est de ses malversations qu'il sut tirer avantage. Non content d'être corrompu, cet homme usa de son autorité et de son intelligence pour manipuler ses propres commanditaires. Des hommes riches, des hommes puissants, qui se placent aux postes-clés pour ne pas être inquiétés. Beaucoup de militaires, il n'y a pas que le colonel Defayet, mais aussi quelques généraux -c'était indispensable pour couvrir ce type de massacres- . Ce monsieur Péronnard -un ancien militaire- à la préfecture pour garder les coudées franches à la capitale. Le rédacteur en chef de l'Aurore, pour museler les médias. Et bien sûr des barons de l'industrie bien en vue, même une personne de la haute noblesse et deux anciens ministres ! Eh oui, tout le monde n'a pas l'intégrité de notre ami St Périer ; Alors bien sûr, le complot s'est parfaitement organisé quand le scandale à commencé à remonter jusqu'ici, et le bouc émissaire y était tout trouvé. Et c'est là que nous revenons à la capitale, et sous votre juridiction. Parce que ce satané ex-capitaine Duport, une fois sorti des cadres de l'active, il ne s'est pas contenté de sa modeste rente d'officier ici. Fort de son autorité, de son sens tactique, de ses contacts multiples, il a commencé à recruter la racaille qui sévit sous l'uniforme comme elle peut le faire ailleurs. C'est que les marlous font aussi leur service s'ils ont échappé au bagne... il a attiré toute la lie des hôpitaux militaires, les vérolés et les gueules cassées qui n'ont aucun scrupule à violenter et séquestrer des cibles faciles. Les singes bleus. Des affreux, dont l'appellation rappelle leur origine africaine, et leur sale gueule actuelle cachée sous foulard de bandit ou gapette de voyou. Certains portent même encore la veste bleue de l'infanterie. Leur cible, c'est l'argent facile. Leur perversion les femmes. Alors ils rançonnent les jeunes filles enlevées à leurs parents fortunés. Chantage, viols, meurtres en notre belle capitale. Et ce n'est pas d'hier, puisqu'ils bénéficient de protections aux plus hauts niveaux, prêtes à étouffer les enquêtes dérangeantes ou à les prévenir de la prochaine descente qui les ciblera. Le Magnolia inquiétant les plus haut placés, le capitaine et sa troupe de singes eurent mission de déstabiliser Mr le Comte en charge de cette sombre affaire. L'ex-charlatan Alain avait des dettes-de-jeu et travaillait directement aux ordres des singes bleus à empoisonner Sabine à petit feu pour détourner l'attention de son père. Mais le scandale éclatant malgré tout, ils ne purent attendre les résultats des menaces et de l'empoisonnement. Sabine a alors été enlevée sous nos yeux par cinq hommes que nous saurions reconnaître, surtout leur chef, armé de pistolet, qui nous a tiré dessus ! Fine moustache, balafre du menton à la joue droite : je suis sûr que c'est là notre capitaine. Elle était détenue dans des abattoirs désaffectés non loin d'ici, ce sont les bâtiments venant de subir un incendie. C'était le repaire des singes bleus, ils allaient déménager ce matin... ça, ce sera à vous de trouver où... Malgré leur nombre supérieur, leur chef n'étant plus là, les malfrats tirèrent à tout va, y compris dans leurs réserves de rhum, et même dans les lampes à pétrole -heureusement encore qu'il n'y avait pas le gaz-. Ce sont les flammes qui nous ont sauvées, nous ont permis de nous enfuir avec les blessées. D'ailleurs le véhicule accidenté devant l'hôpital vient de là-bas : une Delahaye conduite intérieure.
Voilà pour l'essentiel, des racines du complot jusqu'au triviaux détails telle que voiture mal garée.
Alors maintenant rassurez-moi, Commissaire. Sur les procédures à suivre en cette affaire dont vous ne pouvez douter de l'importance. Exceptionnelle. Avant que Monsieur le Ministre n'aille rendre compte au Président du Conseil de sa volonté à abattre comme château de cartes ce réseau de malfaiteurs, qu'ils soient en uniforme ou en cols blancs... » ... et saisissez immédiatement le Procureur de la République... si vous voulez avoir une chance de voir les documents...
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