Auguste Duchamp se repérait au Val de Grâce comme s’il y avait toujours vécu.
Sans aucun problème, il y retrouva le Maréchal des Logis-Chef Pluchot, qui avait confondu le nectar du château Margaux avec un vulgaire Meursault *. Le Comte étant un bordelais, sa cave était remplie de ces vins du Sud-Ouest, et Philippe, dans l’urgence, n’avait rien trouvé d’autres que cela.
Les deux hommes ne laissèrent aucune part aux anges, et savourèrent quelques gorgées du nectar.
« Ha, ha ! Je vous reconnais bien là, Capitaine ! Une demoiselle en détresse, vous accourez ! »Il fit tourner le vin dans le verre, afin de libérer un peu plus d’arômes.
« Les singes bleus… Je les connais pas, ceux-là. Ni ton capitaine Duport. Mais ils recrutent par ici, pour sûr.
Tiens, j’te raconte une histoire. Y’avait un gars, un peu trop bleu, qu’a atterri ici. Pas d’expérience, voulait plus voir sa famille, l’avait la gueule amochée, tout ça. Et y revient ici, en plein Paris ! L’a tôt fait de voir la gueule des civiles, le gars. Même les putes le voulait pas !
Et un jour, y m’a demandé si ces singes bleus, ils étaient biens. Un peu comme à un confident, quoi. Je lui ai pas répondu : J’en sais rien, moi ! Je l’ai plus jamais revu. M’est avis qu’il traine avec eux, maintenant. »La première bouteille était maintenant plus vide que pleine. A ce rythme, il faudrait bientôt ouvrir la deuxième.
« Le Capitaine Duport… tu sais où’s’ki’l’a été ? Peut-être qu’un autre pensionnaire d’ici l’a connu. J'peux te dire qui a été où... »…………………………………………..
Dorine Mulot, tout d’abord empressée de voir si sa maîtresse n’avait aucune requête, préféra finalement laisser Charlotte et Archibald seuls avec Edwige Douville.
Elle répondit à la question de William :
« Ils habitent rue des récollets, près de la rue du Faubourg Saint-Martin… »Finalement, ce n’était pas excessivement loin du boulevard de Belleville, à l’échelle de Paris.
Charlotte, de son côté, mettait la jeune fille suffisamment en confiance pour obtenir des confidences de sa part.
« Je… Ma famille vous dédommagera pour ce que vous avez fait. Madame Mulot m’a dit que vous aviez besoin d’argent, pour votre dispensaire, et votre école… »Le récit qui suivit fut entrecoupé de pleurs, d’hésitations, de souffles coupés. Charlotte dut déployer des trésors de douceur pour convaincre la jeune fille de continuer.
« Je… J’ai été enlevée près de chez moi, rue de récollets. Les agresseurs étaient costauds. Ils m’ont assommée. Je crois que j’ai vu une voiture, avant de m’évanouir.
Puis je me suis réveillée dans une pièce froide, attachée à un lit très sale, et qui sentait très mauvais. Des hommes, malades vu leur visage, sont venus, pour me violenter. Je… Je n’y suis pour rien ! Et ils m’ont frappé, aussi. Ils disaient qu’ils attendaient que ma famille paye une rançon.
Ce lieu… il ressemblait à un ancien abattoir. »Archibald savait que les petits abattoirs de Paris avaient été fermés en 1859 pour rejoindre les grands abattoirs de La Villette. Certains de ces bâtiments étaient encore aujourd’hui inoccupés. Était-ce l’un d’eux ?
« Et puis un jour, ils m’ont pris dans une voiture, et m’ont frappée, violentée, jusqu’à me tuer ! Ils rigolaient. J’ai fait la morte. J’ai senti un moment de panique de leur côté. Ils m’ont jetée vite fait dans les égouts tout proches, et sont partis. Je… je crois que je me suis trainée sur des mètres et des mètres ! Puis je me suis évanouie. »La suite, Charlotte la connaissait : Dorine trouve le corps, et l’amène chez l'institutrice.
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