« Cela me semble parfaitement envisageable ! » approuve l'institutrice impatiente d'agir ....

Auguste avait saisi l'extrémité de sa fine moustache... qui s'affinait en même temps que leur plan d'approche.
« - Aheum... vos idées nous guident, mon cher William... il y a du mieux à chaque suggestion.
Comment pourrions nous exploiter tous nos avantages ? Et minimiser les risques ? J'ai peur que mademoiselle Touttain ne soit reconnue par l'un de ces vauriens... il faudrait la garder à distance. Vous avez raison en vos remarques sur notre ami Archibald... il n'inspirera pas suspicion -bien au contraire- il pourrait jouer cible apparemment facile pour ces petites frappes.
Quand à vous, je n'ai nul doute sur vos capacités, mais pourquoi jouer une cloche, alors que vous avez tout pour faire une "nouvelle recrue" ?
La cicatrice au visage, signe de combattant chanceux, le "contact" avec ce satané adjudant Grossin au Val-de-Grâce... et même le mot de passe s'il vous est réclamé. Même pas besoin d'une vareuse bleue, car la légion est en chemise beige ; il ne vous manquera plus que le béret... auquel vous ferez mine de postuler. En effet pour votre alibi, vous pouviez appartenir à la légion étrangère (qui emploie des ressortissants de tous les pays) et avoir été blessé... depuis au moins un an vu votre cicatrice ; le Premier et le Deuxième (régiment) Étranger ont fusionnés en un bataillon de marche qui essaye de pacifier Madagasakira depuis cinq ans ; la reprise d'Antananarivo -la capitale- n'a pas été une partie de plaisir ! Leur devise, que tout le monde connaît -vous aussi sans doute ?- est "Tiens, voilà du boudin !...", vous pourrez "broder" sur le noir... » L'officier eut un petit sourire carabin.
« - J'attends de vous tous votre avis sur une approche un peu compliquée, mais qui optimiserait l'utilisation de nos forces :
- Un : Archibald et Mademoiselle Charlotte arrivent par la rue Duployé tout au nord, l'air pas rassuré et un peu perdu(s)
ça devrait pas être trop difficile... ils n'ont rien à faire ici à cette heure, ces deux-là !
- Deux : notre "légionnaire" Blakestone, arrivant par le même accès, les dépasse d'un pas pressé et va à la rencontre des deux gouapes.
Il les brosse d'abord dans le sens du poil, les occupe comme il peut et attire leur attention vers le couple en approche, d'apparence très vulnérable.
- Trois : profitant de cette double diversion, de l'autre côté, depuis cette rue Stephenson, le gros de nos forces s'approche le plus discrètement possible du porche gardé ; je pense à Figurat et Vire, Louis et moi...
- Quatre : je serai plus rassuré de savoir notre Caporal et Gagnasse en solide renfort -camouflé, bien sûr- derrière notre couple d'appâts, prêts à leur prêter main forte si besoin.
A moins que les deux ne soient que de sombres crétins et se précipitent tout de go dans le piège, je pense que le signal d'attaque devrait être donné par le mieux informé en temps réel, c'est à dire William : un bras levé, ou une attaque directe, ça fera l'affaire...
Qu'en pensez-vous ? »

« On y va ? » demande une Charlotte de plus en plus impatiente ......

Il devenait de plus en plus ardu de tenir en place la bouillonnante institutrice...

William acquiesça au plan détaillé du médecin militaire.
« Je me doutais bien que l'on pourrait compter sur vos talents de stratège mon cher Auguste. »

L'histoire de légion étrangère était un peu complexe mais William pourrait toujours essayer de broder un peu avec ses quelques connaissances sur Mada et l'Afrique. Des histoires de guerre contre l'indigène il en avait quelques unes en stock...

« Si ça tourne au vinaigre je lève un bras et nos preux militaires attaquent, sinon, je proposes qu'ils interviennent dés que notre couple sera à mi chemin entre le coin de rue et les sentinelles, sans signal qui pourrait alerter les deux hommes. »

Il attendit d'avoir l'accord de tout le monde avant de se préparer.

Il retira son cache poussière et son stetson et les confia à Louis. « Prenez en soin, j'aimerais assez les récupérer après cette bagarre. » En chemise claire, il cala sa canne dans son pantalon pour mimer son habituel boitement.
Il fallait laisser un peu de temps aux deux autres groupes pour qu'ils fassent discrètement le tour du pâté de maison.

Le Caporal Dutilleul, qui n'avait pas l'air d'avoir inventé le couteau à couper le beurre, mais qui savait obéir à un ordre, ou un plan, approuva : « Bien, mon Capitaine. Je serai en couverture de la demoiselle et du v... de Monsieur Legabier. »
Gagnasse se gratta la tête. « Et faudrait pas voir si y a pas un passage, dans toutes ces maisons abandonnées ? » Mais pour cela, il faudrait beaucoup de temps, ce que les enquêteurs n'avaient pas.

« Ce plan est parfait !
Nous arriverons « par la rue Duployé tout au nord, l'air pas rassuré et un peu perdu(s) », Monsieur Legabier et moi-même » dit Charlotte, empoignant par le bras ledit Archibald et le tournant pour se diriger dans la bonne direction ...
« Nous ne serons pas longs à nous mettre en place !
Mais surtout allons-y !
Toute minute qui passe est une torture de plus pour la pauvre Sabine qui risque de ne pas y survivre ! »

« L'air un peu perdu, je l'arbore depuis ma naissance, ça devrait faire l'affaire. »

Le scientifique tapota la main accrochée à son bras:

« Ça va aller, ne vous en faites pas... Espérons que la personne qui veille sur Sabine s'assure de sa santé... »

C'est donc d'un pas vif mais silencieux que Charlotte entraine Archibald au point d'où ils pourront prendre leur essor pour faire leur entrée remarquable dans la rue affublée de la paire de plantons honnis....

Une fois prêt, William se positionna au coin de la rue d'où il pouvait observer le sentinelles ainsi que les deux autres coins de rues d'où devraient déboucher l'improbable couple et leurs renforts.

Dés qu'il apercevraient les silhouettes des deux groupes, il traverserait la rue. Une fois de plus, sa trogne en morceau et ses souvenirs d'Afrique lui serrait d'une certaine utilité. Pourvu que ces monstres tombent dans le panneau.

Louis récupéra les affaires que lui tendait William puis il alla se placer avec les autres éléments du groupe d'assaut prêt à fondre sur les gardes au signal.

Les enquêteurs aidés de leurs trois compagnons militaires mirent donc le plan du Capitaine à exécution.
Archibald, Charlotte, William, Gagnasse et le Caporal Dutilleul traversèrent la rue Duployé, continuèrent sur la rue Stephenson et pivotèrent sur la rue Ordener, contournant le paté de maison afin de se retrouver au Nord de la rue Duployé, alors que Louis, Auguste, Vire et Figurat patientaient au bout de la portion Est de la rue Duployé, cachés au coin de la rue.

Une fois tout le monde en place, Archibald et Charlotte commencèrent à descendre la rue Duployé. Puis William, le pas rapide, les rattrapa, puis les dépassa.

Les deux gardes en faction se redressèrent, observant l'approche de William, et voyant au loin le couple mal assorti.

Planifier était une chose. Et nul plan n'était parfait, quand on manquait d'éléments..
Mais il était temps d'agir.
Repérant le plus proche porche ou sombre recoin qui le rapprocherait des malfrats, Auguste attendit qu'ils soient occupés par l'une ou l'autre diversion pour aller s'y mettre en planque le plus discrètement possible... avant de passer à la suivante...

William arriva au niveau des gardes, et leur parla à voix basse, comme s’ils les connaissaient de longue date. Il faisait mine d’être des leurs, et grâce à sa connaissance de quelques mots d’argots qui circulaient entre troufions en Afrique, cela semblait fonctionner. Il ne fallut pas longtemps pour que les deux singes bleus rient à l’une de ses blagues, avec un regard en direction du couple qui arrivait.
La distraction fut effective lorsque l’une des gueules cassées lança une blague salace en direction de Charlotte et du vieillard :
« … et doit être en forme, le vieux, pour se taper une jeunette comme ça ! Ha ha ! T’es prêt à partager ta pute, l’ancêtre ? Elle est pas de première fraîcheur, mais on a de la vigueur pour te la remonter, ta greluche. Et t’auras du bon vin, dans la salle là derrière ! Ha ha ! »
Pour l’instant, il ne s’agissait que de paroles en l’air, les deux hommes ne faisant pas mine de mettre à exécution une quelconque agression.
William se plaça de telle façon à occuper l’attention dans une direction appropriée, permettant l’avancée des troupes le long du mur, discrêtement…

« Messieurs, je ne vous permets pas! »

Archibald se tourna vers les deux malotrus et posa les poings sur les hanches. Le spectacle venait tout juste de commencer, il fallait maintenant qu'il joue la comédie pour permettre aux autres d'approcher:

« Ce ne sont pas des manières de s'adresser ainsi à une dame... S'adresserait-on ainsi à vos mères ou soeurs et ne diriez-vous rien? J'ai du mal à le croire! »

La seule chose qu'il espérait, c'était que les deux coquins ne feraient pas montre de velléités pour nuire à l'intégrité physique de son vieux corps. C'est qu'il y tenait, il le connaissait depuis toujours, après tout...

Louis attendit qu'Auguste se déplace pour le suivre tout en tenant fermement son revolver afin d'être en mesure d'asséner un coup de crosse le plus rapidement possible.

Quant à Auguste, l'important pour lui était de se rapprocher sans déclencher l'alarme au plus près des factionnaires... et sans état d'âme. Il ne retiendrait pas ses coups face à cette racaille... et bloquerait immédiatement le cou et le larynx de celui qui arriverait à sa portée...

« Ho, mais c’est qu’il se rebellerait, le vieux ? C’est qu’il a de la répartie, dis-donc ! » dit l’ancien soldat au grand beret, en mettant ses mains sur les hanches et en se dandinant de façon comique.
Son camarade lui mit cependant la main sur le bras. « Hé, pas d'vagues, l’a dit, le chef…
- D’tout façon, tout à l’heure, on s’casse, alors… On peut s’amuser un peu ! » Se tournant vers Archibald, son ton se fit plus cassant. « Allez, tu nous la prêtes, ta pétasse ? »

La diversion croisée de William et du couple composé d’Archibald et Charlotte fonctionnait à merveille. Auguste, Louis, et les deux militaires s’étaient approchés sans bruits. Ils étaient maintenant dans le dos des deux malotrus en faction, à quelques pas... Ils pouvaient passer à l’action, ou s’engouffrer directement sous le porche que ces hommes gardaient.

« Très bien, monsieur. Si c'est une correction que vous cherchez, vous la trouverez! »

Archibald retira sa veste et la tendit a Charlotte:

« Tenez moi ça, ma chere. »

Le scientifique savait qu'il ne faisait pas le poids mais il devait retenir l'attention des deux hommes. Il ne doutait pas que quelques militaires l'aideraient en cas de besoin mais la mission était de sauver Sabine avant tout.

Charlotte pris la veste d'Archibald et se rencogna peureusement (du moins en apparence) sous le porche, se rapprochant incidemment de la porte. Profitant de sa nouvelle position, Charlotte se permit donc de jeter un coup d’œil pour voir s'il pourrait être possible d'entrer directement : si la porte cochère est ouverte - et auquel cas regarder la configuration des lieux au-delà -, sinon de tester discrètement si elle est verrouillée ....

Louis attendit l'action d'Auguste pour agir en fonction. Si ce dernier décidait d'assommer le garde il en ferait de même avec son acolyte sinon il s'engouffrerait à sa suite sous le porche.

Bien que le jardinier était d'avis qu'il valait mieux mettre hors d'état de nuire ces malotrus il n'allait pas prendre d'initiative qui pourrait compromettre leur action.

Louis serra encore plus fort le revolver dans sa main et se prépara à frapper de toutes ses forces.