La plupart des photographes et des journalistes s’en étaient allés, après le départ du Comte, mais quelques-uns d’entre eux étaient encore en faction. Principalement pour échanger des informations avec leurs collègues, ou discuter de ce qu’il y avait à faire pour continuer leurs investigations…
L’un d’eux entendit la porte s’ouvrir et se refermer une nouvelle fois. « La Baronne Van Destrée ! » dit-il à son photographe, plus fort qu’il ne l’aurait voulu. Effectivement, ses collègues se retournèrent d’un seul homme vers l’entrée de la demeure du Comte. En quelques instants, les journalistes restants étaient autour de la Baronne, faussement innocente dans ses paroles, mais vraiment innocente de ce dont on l’accusait.
Surtout, sa tenue, étudiée pour lui donner un air finement fragile mais aussi un peu effronté, avait de quoi interpeler les journalistes, qui ne s’attendaient certainement pas à la voir sortir de la demeure du Comte de si bon matin. Rochelle eut été découverte directement dans le lit du Comte que cela n’eut pas été une preuve plus convaincante à leurs yeux de la façon dont celui-ci avait passé la nuit. Effectivement, le départ du Comte juste après l'incendie avait eu de quoi interpeler, la veille, mais tout s'éclairait : On ne fait pas attendre une dame comme la Baronne Van Destrée, n'est-ce pas ?
« Madame la Baronne, est-il vrai que vous avez passé beaucoup de temps en Inde ces dernières années ? Etait-ce avec le Comte de Saint-Périer ? Vous connaissez-vous depuis longtemps ? Qu’avez-vous à dire sur l’affaire du Magnolia ? »
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Archibald inspectait avec un esprit scientifique et efficace les chambres de l’étage. Dans celle qui avait accueilli les bandits avant qu’ils n’enlèvent Sabine, il ne trouva rien de plus que ce que ses compagnons avaient déjà découvert : Des traces de pas près de la vitre dont un des carreaux avait été cassé, indiquant une attente plutôt importante. Le bruit de casse avait dû être masqué par l’orage. Pas de vols, pas de destruction... Dans celle de Sabine, il trouva les traces de lutte, la chambre n’ayant pas encore été rangée par les serviteurs. Des flacons de parfums et des pots de crèmes, sur la table de toilette, étaient encore renversés. Des bijoux sortaient de leur boite de rangement, indiquant que le mobile du crime n'était pas là. Dans le meuble de chevet, Archibald découvrit les différents médicaments que Sabine prenait pour son traitement, ainsi que son ordonnance, signée de la main du Docteur Alain. Les fioles, étiquetées à la main, désignaient les différents produits. La pharmacie Rottier, proche, était en référence sur certaines d’entre elles, les autres avaient dues être préparées par le docteur lui-même. Dans le bureau, des lettres témoignaient d’une correspondance importante de Sabine avec des amis ou des cousins. Comme Eliane, la nièce du Comte de Saint-Périer, de l’âge de Charlotte, et qu’Archibald a eu l’occasion de rencontrer une ou deux fois. D’un coup d’œil, Archibald vit que le ton des lettres était plus familier avec le Baron Etienne de Madillac, dans le bordelais, la région d’origine des Saint-Périer. Egalement, bien rangés dans une bibliothèque, des livres d’études montraient que Sabine étudiait le droit à la faculté, avant qu’elle ne soit tombée malade il y a quelques semaines.
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Dans la roseraie, Charlotte était tellement obnubilée par la légèreté de sa tenue et la proximité intimidante du beau militaire, qu’elle en oubliait de regarder alentours… Ses rougeurs, et ses plaintes d’être inactive, avaient eu pour effet de détourner l’attention du galant homme. Louis, de son côté, cherchait autant des explications pour les autres que pour se convaincre lui-même qu'il avait révé. Au sol, il ne trouva rien de plus que pendant la nuit. Quelques graviers montraient des traces de sang, légères, car la pluie avait dilué la plus grande partie. Cela attestait de ce qu’il s’était passé la veille : Le malfrat avait été blessé ou tué ici. Les rosiers n’avaient rien de spécial. Louis savait de ses connaissances botaniques qu’il existait plus d’une cinquantaine de roses différentes, mais celles-ci n’étaient pas les plus rares ou les plus recherchées. Au-delà des rosiers, il semblait que deux des murs étaient d’une facture plus récente que les deux autres. Parmi ceux-là, à l’opposé de la porte qui leur avait permis d’entrer, une autre porte avait été murée. Il y avait moins de cinq ans, pouvait-il estimer. Ces deux murs, et cette ancienne porte, donnaient sur une propriété située de l’autre côté du pâté de maison. A la réflexion, la porte ouverte sur la propriété du Comte était par contre d’une facture récente. Elle avait été creusée bien après la formation du mur.
Laissant tomber pour un instant ses talents d’enquêteur, William ne regardait pas cet ensemble. Il était interloqué devant le buste, sa main posée sur le livre qui symbolisait pour lui les histoires fantastiques dans cette fin du XIXième siècle. Il lui semblait reconnaitre dans ce buste la femme sortie des flammes, au Palais National, la nuit dernière.
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