Les multiples précautions qu'Auguste prit pour préciser sa pensée n'y firent rien : Même si le médecin militaire était convaincu de ses suppositions, le commissaire n'y apporta aucun crédit. Le docteur Longin détourna poliment le regard, alors que celui de Lavoisier devint subitemment dur :
« Sauf votre respect... Et si tout ceci n'était qu'hallucinations ? Aheum... Le Comte était peut-être en situation critique avec ses amis, et les gaz échappés par l'incendie auraient pu corrompre son jugement... Il a cru reconnaître une figure connue parmi les flammes. »Après un instant supplémentaire de réflexion, il ajouta :
« Votre explication donne toutefois un lien entre cette Rose Lebrun et le docteur Alain. »« S'il n'était aussi ridicule qu'un éventuel meurtrier vienne déclamer des informations aussi... enfin... et bien, j'aurai pu penser que vous me détourneriez volontairement de la recherche du meurtrier du Docteur Alain, puisque celui-ci serait un fantôme... »Heureusement pour lui, Auguste était aussitôt revenu à des considérations plus pragmatiques, lui redonnant un peu de lustre.
Le docteur Longin précisa de ses investigations, sur le ton détaché que seuls les médecins savent prendre quand il s'agit de corps humains :
« Il semble avoir brûlé complètement : L'intérieur et l'extérieur en même temps. Car aucune partie du corps n'a été épargnée, ce qui n'aurait pas manqué d'être s'il y avait eu une combustion progressive. Je ne sais pas s'il a été torturé, mais la douleur a du être terrible. »Le commissaire observait l'officier, le laissant faire, mais se posant des questions sur son implication dans l'affaire.
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Pendant ce temps, Charlotte fit mine de monter à l'étage. Le policier qui l'accompagnait l'en empêcha :
« Mademoiselle, ces locaux sont soumis à scellés : Nous sommes dans une enquête policière, et vous géneriez notre travail si vous dérangiez quelque chose. »….............................................
L'archiviste partit sans crier gare derrière Archibald : C'était son rôle d'apporter les boites aux personnes qui les désiraient. Ensemble, ils ramenèrent la boite N°87211, et Archibald put s'installer sur une petite table et l'ouvrir.
Dedans se trouvaient des invendus de l'édition du Matin de la semaine du 26 Mai 1887, ainsi que des exemplaires des journaux concurrents.
Archibald apprends que l'incendie débuta le 25 Mai 1887 à neuf heures du soir, lors de la représentation du premier acte de
Mignon, la tragédie lyrique en 3 actes d'Ambroise Thomas qui connaissait un énorme succès (depuis plus de vingt ans à l'affiche). La catastrophe, provoquée par une défectuosité de l'éclairage au gaz de la herse située au-dessus de la scène, coûta la vie à quatre-vingt-quatre personnes, dont quatorze du personnel du théâtre.
Il était indiqué que l'Opéra-Comique ne rouvrirait pas de sitôt. Les journaux s'acharnaient à montrer la responsabilité de Léon Carvalho, le directeur, dans cette affaire.
Évidemment, Archibald savait de par son érudition que c'est suite à cet accident que l'éclairage électrique devint obligatoire dans tous les théâtres et café-concerts de Paris. En 1898, l'Opéra-Comique est toujours en travaux, et n'a toujours pas ré ouvert après cet incendie.
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« Je suis... j'étais... moi-même journaliste, je le sais bien... » répondit l'archiviste, un sourire en coin, à William quand celui-ci parla des phrases à éviter.
S'étant assuré qu'Archibald était à bonne distance et ne pouvait entendre, l'homme qui paraissait finalement plus jeune que l'apparence initiale avait donné comme impression aux trois enquêteurs, entama son récit.
« Je m'appelle Emile Plantin. Je suis journaliste au Matin depuis ma sortie d'étude, il y a trois ans. »Il inspira profondément :
« Je ne veux pas vous parler. Je... des menaces... Mais je ne peux pas vous empêcher de lire mon article, n'est-ce pas ? Toutes les conclusions de ma petite enquête y étaient... »Emile vérifia du regard que personne d'autres n'était dans la pièce, puis alla chercher un exemplaire du Matin, paru le 28 Mars 1898. Il expliqua pourquoi il ne prenait pas le journal dans un carton :
« Celui du carton « officiel » n'a plus l'article. »Enfin, William et Joseph Cordier se penchaient sur les mots d'Emile.
Celui-ci relatait des faits, passés en Janvier 1898 : Quatorze « nègres » avaient été retrouvés morts près du fleuve Congo. Le journaliste s'interrogeait sur des similitudes avec des affaires similaires, au même endroit ou dans d'autres colonies françaises. Les villages concernés étaient proches de sites où des industriels français avaient beaucoup investis, et ces villages comprenaient des casernes... Les rapports des militaires signalaient juste des « troubles » parmi les nègres, étant très évasifs sur la cause des décès... Emile Plantin décrivait son enquête, juste menée depuis Paris, et sous-entendais des possibilités de travail forcé... à demi-mot, parlait d'affaires d'esclavagisme. Il promettait de continuer à rechercher des informations.
L’intéressé précisa, de façon assez sèche :
« Le journal n'a pas souhaité que je fasse d'autres articles sur ce sujet. »….............................................
Message secret pour Goku82.Bourdelle secoua la tête : « Le Comte de Saint-Périer, vous dites ? Je ne connais pas cet homme. Et je ne connais pas sa roseraie. Désolé. »
Il faudrait certainement plus d'informations à Bourdelle pour comprendre ce que Louis souhaitait.