« Han ces clichés quoi... » maugréa la fantôme anti-stéréotype en s'approchant du sauvé, qu’elle reconnut relativement rapidement.
« Ho mais je vous reconnais, vous êtes celui d'en haut qui voulait venir avec nous ! Même qu'on vous avait dit de pas vous risquer ici alors pourquoi vous êtes là avec votre équipe ? Vous teniez vraiment à (re ?)découvrir les joies des ombres avant LA date ? »

La bouche de Vitam se tordit en une moue qui tentait de cacher un sarcasme grandissant.

« Navré mais on pouvait pas. Y'as des gosses qu'ont besoin d'un coup de main... Et puis, y'as rien de précisé sur les "consignes donnés par un fantôme de classe 3", mam'zelle. »

L'homme remit son casque, comme on aurait remis un stetson, avant de tourner son regard vers les ombres:

« Maintenant qu'on est là, si on faisait équipe? Vous pouvez passer devant, nous on reste derrière à vous regarder... Euh, suivre. Suivre, c'est le bon mot. »

« Classe 4 en fait » rectifia Vitam en baissant les yeux avant de les remonter aussi sec dans un accès d'optimisme « mais la troisième va bientôt arriver, je le sens ! »

La fantôme observa les ombres du couloir à son tour, malheureusement sans chapeau pour d'évidentes raisons techniques.

« Y'a pas marqué sur vos papiers combien d'enfants on doit retrouver là-dedans ? Parce qu'à dix contre trente gamins, on risque de mettre trop de temps à les retrouver... Et c'est exactement pourquoi j'ai jamais aimé les maths ! »

« Non, mam'zelle, on sait pas. L'école nous a dit que la prof avait emmené la feuille d'appel avec elle donc on sait pas qui est absent ou pas. Mais en gros, faut qu'on compte 38 gamins, 4 adultes dont la prof, et Jo. Josephine, mam'zelle, une collègue à nous qui s'occupe des visites et qui connait ces égouts comme sa poche. »

L'homme ajouta, avec un petit sourire en coin:

« Bah, c'est pas grave, la classe, vous savez. Tant que vous êtes pas classe 6 et qu'on peut pas vous voir. Ca doit pas être marrant pour eux, de nous voir sans pouvoir interagir avec nous...

C'est pour ça que certains dérapent.

Désolé de vous ennuyer, hein. Quand j'étais gosse, j'ai été élevé à coups de Ghostbusters... Les films d'origine, pas le remake avec les 3 bimbos, mam'zelle. »

Ricanant, il commença à siffloter le thème du film, en le ponctuant de quelques "who you gonna call?"

Un signe de la main de Vitam suite à un "who you gonna call?" et puis...

« Ghostbusters... » entonnèrent faiblement des voix invisibles plus ou moins en chœur, en fait celles des poltergeists qui avaient rejoint leur invocatrice entre-temps. Comme l'employé de mairie allait surement être au moins surpris, la fantôme en chef s'expliqua.

« En fait c'est parce que la plupart des humains ne le leur demandent presque jamais, mais aussi parce que la majorité des spectres ne sont pas rancuniers... J'pourrais vous expliquer tout ça un de ces quatre, une fois tout ça derrière nous, si vous voulez bien.
Mais avant tout, faut que je retrouve un copain qui pourrait bien nous aider. Même qu'il est vivant en plus. »

Là-dessus, la revenante s'avança vers son familier...

« CURLY, on retourne à la mission initiale ! »

...pour enfin s'envoler à la fois à la suite du chat facétieux et avant le reste du groupe. Au grand dam de certains, nul ne pouvait se rincer l’œil sous la jupe de la fantôme puisque ses mouvements floutaient l'intégralité de son enveloppe corporelle, ressemblant ainsi plutôt à un motif psychédélique lumineux ambulant qu'à une humanoïde.

Chercher le type qui manie le feu? Oki doki.

Le chat repartit donc en sens inverse, retournant vers l'ouest, tandis que l'agent de la ville ajoutait:

« Votre guide va pas dans la même direction que nous. Bon, bah, on va s'séparer là. J'm'appelle Bill Kaplan au fait. Enfin, Bill Junior, 3ème du nom. J'préviens, au cas où vous croiseriez mon père ou mon grand père... »

L'homme et son équipe commencèrent donc à avancer dans la direction opposée... Jusqu'à ce qu'un type gueule un grand coup, plus loin dans le tunnel:

« Y'as quelqu'un là-bas? On est les secours »

Ce qui tira un froncement de sourcil à l'équipe de la ville avant qu'il ne réponde:

« C'est nous les secours. C'est quoi cette arnaque... Vous êtes qui? Quelle équipe? »

« Attends CURLY... viens avec moi s'il te plait. »

Vitam ne comprenait pas pourquoi celui qui venait de se présenter sous le nom de Bill Junior, 3eme du nom voulait faire bande à part, surtout après avoir affronté plein de tentacules pour justement les rejoindre, eux ! Bon ok il avait beau être fonctionnaire mais de tout de même, la fantôme se demandait quelle mouche invisible venait de le piquer pour en arriver à tel retournement de veste.

« 'tendez une minute Billou, c'est quoi cette embrouille ? »

L'homme lui répondit que c'était les secours alors que c'était eux, les secours (même s'ils venaient d'être secouru y'a pas cinq minutes) ! Comme quoi il n'y avait pas que la revenante qui s'était embrouillée dans la répartition des tâches.

« Vous êtes plusieurs secouristes à vous êtes aventurés là-dedans ? » demanda t-elle à Bill en se grattant la tête. Ah bah non en fait.

« Bah, non... »

Le Bill tourna la tête et entendit une réponse provenir de l'autre bout du tunnel:

« Radulov des Los Angeles Kings. En quoi c'est important maintenant ? »

Les employés municipaux se regardèrent interloqués avant que Bill ne réponde:

« Et qu'est-ce qu'un hockeyeur viendrait foutre ici? »

Il commence à me gonfler celui-là.

« Ce que vous et vos copains des secours êtes pas foutus de faire depuis ce matin, essayer de ramener les gosses en vie espèce de con. »

Sergeï se pinça les yeux et respira un bon coup...

« Vous auriez pas croisé une sauterelle géante et un fantôme qui fait lampion ? J'étais avec eux avant mais je les ai perdus en retournant chercher d'autres gamins. »

Tu sais que t'as l'air con avec ta question, hein tu le sais. ricana Vilmy qui avait parfaitement saisi l'état d'esprit de Sergeï à cet instant.

La lassitude commençait à se lire sur le visage du russe.

« Au moins, t'arrives à faire quelque chose d'autres que taper dans un palet, Pendejo. »

C'était le collègue mexicain de Bill, Javier, qui avait pris la parole, pendant que le texan se tournait vers Vitam:

« Je crois qu'il parle de vous. »

Bill laissa donc passer la fantôminette devant, pour continuer la discussion.

La fantôme adressa un simple signe de tête approbateur envers Bill pour ensuite apparaître aux côtés du hockeyeur en version fluorescente.

« Si si, même que je connais très bien le lampion ! » fit t-elle à Sergei en plaisantant un instant avant de reprendre autant que possible son "sérieux" , un mot qui ne faisait habituellement parti de son vocabulaire.
« Boh allez fais pas cette tête de pincé, on va bien finir par les retrouver avec le nombre qu'on est ! Ah oui t'inquiète pas pour le Billou et sa clique, ils sont avec nous. Par contre à l'avenir arrête de partir en solo comme ça, parce que je me suis fait un sang d'encre durant ton absence ! Même que j'ai du offrir un tour "au Matériel" à CURLY pour te retrouver, c'est dire ! »

Maintenant que j'y pense, sa qualité de guide laisse quand même à désirer.

Vitam venait seulement de ralentir le flux de ses paroles pour (enfin) en venir à l'essentiel.

« Maintenant que tout est dit, ça t'a appris quelque chose de courir après les cris ? »

« Si t'éclaires un peu plus tu verras que j'en ai déjà récupéré six. » répondit Sergeï en montrant les enfants derrière lui.

« Au fait les gamins la fantôme est gentille donc vous gardez vos glaçons sur vous. » dit Sergeï afin d'éviter que les enfants ne lui bourrent la gueule - si cela était possible.

Le hockeyeur se gratta la tête : « J'ai pas appris grand chose. Je sais juste qu'il y a encore un crétin de gamin qu'a pas voulu rester avec eux quand je les ai récupéré et d'après les mômes il reste encore 12 mioches, leur prof et 3 parents. »

Sergeï tenta de regarder au loin le binôme qui accompagnait Vitam : « On peut vous confier les gosses ? Vous arriverez à la emmener jusqu'à la sortie ? »

Puis il dit à Vitam « Faut se méfier de ces enculés d'alien. Ils te font croire qu'il y a un gosse et en fait c'est juste du flan. »

Ou bien c'est ta cuite...

Même pas vrai j'ai pas assez bu pour ça.

Reprenant ses esprits il ajouta : « Si ça se trouve tes coéquipiers là ou même les mioches derrière moi existent pas et on est cernés par les aliens. »

Riant à cette mauvaise blague Sergeï eut tout de même un instant de doute : Naaaaan, la journée peut pas être pourrie à ce point.

La fantôme fit coucou aux enfants avant de glisser à l'oreille de Sergei : « Tu veux confier les petits à Billou et son équipe ? Il a même pas été capable de se sauver lui-même, alors c'est un peu beaucoup moyennement une bonne idée en fait. Je peux demander à mes amis si tu veux, eux au moins n'en font pas qu'à leur tête... enfin la plupart du temps en tout cas.  »

Et putaiiiin.

« C'est comme tu le sens. De toute façon on va pas les promener dans les égouts à la recherche des autres toute la journée. » soupira Sergeï.

« Je t'entends, tu sais. »

Le dénommé Bill lança un regard noir en direction de Vitam avant de se présenter devant les enfants:

« Salut les petits. Moi, c'est Bill. Bill Junior ou Bill le 3ème, c'est comme on veut. J'suis là pour vous ramener avec mes collègues vers la sortie. Ca vous tente, pendant que la Loupiotte et votre pote hockeyeur vont chercher vos petits camarades manquants et vos accompagnateurs? »

Les enfants jetèrent un œil vers Sergeï puis vers Bill et ses collègues, avant de les rejoindre, prêt à remonter. Bill opina donc du chef et ajouta:

« Bien, on va y aller. Les enfants, vous restez avec nous et tout ira bien, d'accord? Allez, hop, on repart. »

L'équipe de la ville récupéra donc ses affaires, non sans avoir distribué quelques bouteilles et barres énergétiques Sunday Max (sans OGM) aux gosses, et commença à remonter le tunnel. Sans doute était-ce du au fait d'être dans les égouts et donc à proximité des tuyaux d'écoulement sanitaires et à la couleur jaune saturnin de leurs gilets mais si on rajoutait la vexation en prime, on pouvait dire que les hommes de la ville ressemblaient à des canards vexés.

Fidèle à elle-même, Vitam avait gaffé et s'en était rendue compte qu'au dernier moment. Et les regards lourds sur sa personne laissaient penser que le mal était déjà fait. Elle avait oubliée à quel point les humains n’appréciaient guère se faire rappeler leurs erreurs ou leurs faiblesses. Sauf que là c'était pas leur faute s'ils n'étaient pas des supers !

Oups...

La fantôme lâcha un petit « désolée... » alors que le destinataire des excuses s'était déjà barré. Ne restait plus que Sergei et leur mission.

« Je crois que je ne sais plus murmurer... »

Encore fallait-il le lui rappeler, à elle et son ectoplasme tremblant par un sentiment nommé remord.