Pointesable, la première vraie ville qu'il visitait depuis son départ, à bien y réfléchir c'était même la plus grosse ville qu'il ait jamais visité. Il faut dire qu'il était content d'y arriver, sans doute qu'il y trouverait quelques magiciens doués mais surtout parce qu'il avait grand soif.
Il entra donc dans la Taverne de la dent cassé qu'on lui avait conseillée. Les clients le dévisageaient. Qu'on regarde sa cicatrice il en avait l'habitude, il en tirait même une certaine fierté, mais ces gens là ne la regardaient pas de la même façon que les orques, à bien y regarder c'était plutôt du dégoût que de l'admiration. Il soupira. Humains ignorants ... Enfin pas d'esclandre, je ne suis plus chez Burdak.

C'est à cet instant qu'intervint le tavernier, un demi-orque comme lui. Borscht savait bien qu'il existait des demi-orques chez les humains mais il ne s'était pas attendu à en découvrir un si tôt. Il se détendit un petit peu.

« Bonjour Kersk, je suis Borscht. Je suis habitué aux regards mais j'aime ta poigne ! J'ai grand soif donc les alcools fort attendront, sert moi une bière brune. » Et après une seconde de pause il ajouta précipitamment « s'il te plait. »

« À ta santé ! » Il avala une longue gorgée, sourit, en avala une seconde et reposa la chope.

« Quand tu parles de tes semblables tu veux dire qu'il y a beaucoup de demi-orque ici ? Je pensais que nous étions une rareté. » En finissant sa phrase Borscht baissa le regard. J'espère que j'en ai pas trop dit, ce gars à l'air d'être réglo mais je préférerais qu'il ignore que je viens de quitter ma tribu et qu'il y a encore quelques mois la bière que je buvais était probablement prélevée sur les convois qui l'approvisionnent.

Borscht prit son temps pour avaler sa seconde chope. Il laissa son regard balayer la salle, et il essayait d’écouter les conversations alentours avec difficulté, sa jeunesse l'ayant plutôt prédisposé à écouter celui qui parle le plus fort. S'il voulait passer un tant soit peu inaperçu il allait falloir un sacré travail d'observation. Au bout de quelques temps il se tourna à nouveau vers le tavernier.
« C'est qui ce Gorvi, il fait quoi de ses paluches ? »

De l'orque ! il était surpris du plaisir que ça lui procurait d'entendre sa langue, pourtant il n'avait jamais vraiment été attaché à son peuple. Seulement même dans sa langue maternelle la question qu'avait posée le tavernier était celle qu'il aurait aimé éviter.
On va répondre un truc vague et changer de sujet.
(en orque) « Wa kā'arālāĥidum. Wanhumā, 'annal 'at'ta 'ak 'aqi khalūn lūđā wā'āĥū, mal thaqū rakāanumu ? » Une bouche pleine me donnera une excuse pour prendre le temps avant de répondre à ses questions, histoire de pas dire de connerie.

Décidément ce Kesk était un personnage étonnant. Il avait le coté bourru et viril d'un orque mais il était serviable comme aucun de ceux qu'il avait fréquenté. C'était ça d'être un demi-orque ? Il faudrait quand même attendre de voir Gorvo ou Gorvi, enfin l'autre demi-orque du village avant de se faire un avis sur ses semblables qu'il fréquentait pour la première fois.

Sans ajouter un mot il suivi le tavernier et s'assit à une table.

Il avait l'air d'en parler avec tant de légèreté ! Comme si venir d'une tribu d'orque vivant probablement du pillage de petits village ou de convois marchands était une chose ordinaire, commune. Et puis il avait l'air d'être plus encore qu'intelligent, il était perçant, il semblait lire dans Borscht comme dans les livres qu'il disait tant aimer.

Trop tard pour la discrétion, ou je lui fait confiance ou je m'en vais ... optons pour la confiance.

Il jeta un rapide coup d'œil alentours pour s'assurer qu'aucun des clients n'avait une curiosité mal placée avant de répondre :
« Lire ... j'aimerais pouvoir le faire plus souvent moi aussi, les livres n'était pas très courant dans ma tribu, à vrai dire mon père et notre shaman était les seuls orques qui en soi capable et aucun des deux n'aimait particulièrement ça. Mais si tu aimes tant la lecture pourquoi avoir choisi ce travail de tavernier ? »

Mais les larges canines qui sortaient de la mâchoire de son interlocuteur lui donnaient une idée de la réponse à sa question. « Quant à moi, j'ai quitter ma tribu pour une raison assez proche de la tienne. Je cherche à en apprendre plus sur la magie, à entrer dans son intimité, à devenir familier avec ses secret les plus cachés, ceux qu'elle n'a encore jamais divulgué à personne. » Tandis qu'il prononçait ces mots ses yeux étincelaient.

Avec les plats qui avaient l'air succulent, des mets plus fins que tout ce à quoi Borscht avait goûté, une jeune femme s'était jointe à la tablée. Borscht inclina légèrement le crane en guise de salut maladroit.
Les choses allaient un peu vite pour lui, ce n'était pas à proprement parler désagréable d'être de discuter avec ces gens qui n'avaient pas l'air le moins du monde gêné par sa nature mais être si rapidement plongé dans la civilisation avait quelque chose d'effrayant.
Faisons un effort pour être plaisant. Mais aucun mot poli ne lui venait aussi se contenta-t'il d'un sourire maladroit.

Dire que le plat lui convenait c'eut été un euphémisme, il n'avait jamais rien mangé d'aussi bon. D'ailleurs maintenant qu'il avait goûté à ce genre de nourriture il pouvais dire qu'il n'avait jamais rien mangé de bon. Sauf peut être le rhinocéros laineux à la bière, c'est pas mal aussi le rhinocéros laineux à la bière.

Avalant un peu précipitamment ce qu'il avait dans la bouche il répondit : « Très bon, merci. »
Était-ce parce qu'elle était humaine ou parce que c'était une femme il ne le savait pas mais le fait est qu'il trouvait difficile de faire des phrases de plus de quelques mots.

Voilà qui avait l'air intéressant ! Peut être allait-il rester un peu plus longtemps que prévu à Pointesable, après tout s'il pouvait approfondir ses connaissances ici il n'y avait aucune raison de bouder une ville qui s'était montrée jusqu'ici plutôt accueillante.
« Merci du conseil, je vais aller voir ça. »

Il finit son repas en prenant le temps d’apprécier chaque bouchée, tout en se faisant la réflexion qu'il se civilisait à vue d’œil, peut être un peu trop vite. Il essuya le tour de sa bouche d'un revers de sa manche et se leva.

« Merci pour tout Kesk. Peux-tu m'indiquer le chemin pour l'académie ? Je pense que tu me reverras bientôt, après tout ta bière est excellente et je ne peux qu'espérer que tes alcools plus virils sont du même acabit. »

« Si c'est du même ordre que ce qu'on vient d'avaler je risque d'y retourner ! »

Borscht salua l'amical tavernier et sorti dans les rues de Pointesable. Tout en s’imprégnant par le regard, l'ouïe et même l'odorat de l'atmosphère de la ville il se dirigea vers l’académie.