Le général Sothor savait qu'il ne rejoindrait plus la cible de l'entrainement, aussi s'était il totalement focalisé sur son duel avec Erika oubliant un instant ce qui se déroulait alentour. Le vivats de ses hommes le sortirent de sa bulle, signifiant la fin des hostilités. Il se détendit en même temps que son opposante, relâchant l'énorme pression qui pesait sur lui.
« Vous dites vrai Erika, fille de Marchosias, preuve de sagesse. »
Il rengaina son arme et se redressa. La tension du combat s'évacuant peu à peu, plusieurs zones de son corps lui rappelaient qu'elles avaient été mises à rude épreuve. Des ecchymoses, des éraflures et autres tiraillements viendraient le tourmenter au lendemain de ce combat.
Thalion...Alors qu'il reprenait son souffle, Sothor voyagea quelques années en arrière, pour sa première rencontre avec cet homme un peu particulier. Alors en exercice avec tout un bataillon aux frontières d'Andunië, le général, à l'époque imberbe et seulement lieutenant, se rendait au centre de la bourgade pour y rencontrer le chef de la communauté. Il s'était fait escorter par quatre soldats. Il était loin d'imaginer, à cette époque, que les suivants d'Ar-Pharazon l'avait déjà identifié comme une cible faisant partie des fidèles d'Elendil, et il tomba dans une embuscade. Au détour d'une impasse, les quatre soldats anonymes lui bloquèrent le passage et engagèrent rapidement la mêlée. Sothor n'était pas équipé pour une passe d'armes, ayant uniquement son épée et des habits de saison, il put profiter de ses réflexes exacerbés et mettre hors de combat l'un de ses adversaires immédiatement puis se projeter dos au mur afin de limiter les manœuvres ennemies. Tandis que son regard veillait aux lames adverses, un éclair métallique vint se planter dans la paroi à laquelle il était adossé. Une odeur de fer emplit ses narines et son pourpoint se teintait de rouge. Il se crut mort, cligna des yeux, écoutait son cœur battre dans ses tempes. Non, il était bien vivant. Mais un tireur dans la masure lui faisant face venait de lui ouvrir la joue et ne raterait peut être pas son coup la prochaine fois. Sothor se défendait toujours. Il ne pouvait que se défendre face à des ennemis trop nombreux. Le temps de trouver une échappatoire, mais la configuration des lieux ne s'y prêtait guère. Il put rejoindre un renfoncement, forçant les assassins à se mettre dans la ligne de mire du tireur. Et son regard portait dans la direction d'où était venu le premier tir, gardant par la même occasion tous ses adversaires dans son champ de vision. Un jeune soldat déboula au bout de la ruelle et vit l'altercation. Sa main se porta à la garde de son épée lorsqu'il reconnut son supérieur mais il stoppa son premier pas, ne venant pas au secours de Sothor immédiatement. Il concentrait son attention sur les yeux de son lieutenant d'alors. Puis il partit en courant un peu plus loin, disparaissant de la vue des combattants. Plongé dans son affrontement, Sothor avait aperçu le soldat et imaginait déjà recevoir une aide providentielle. Mais il se renfrogna lorsqu'il le vit partir. Pour aller chercher de l'aide? Il n'aurait jamais le temps... Il fallait se décider rapidement sur la conduite à adopter. Le général ne pouvait tenir indéfiniment ainsi. Surtout sous la pression d'un tireur qui pouvait frapper à tout instant. Encore perdu dans ses réflexions, entrecoupées de tintement d'épées et de poignards, il vit un corps chuter d'une fenêtre, portant un carquois à la ceinture. Comment?... Se pourrait il que ce jeune soldat se soit chargé de cela? Il n'avait même pas vu passer une flèche? Parant un nouveau coup transversal, le fils de Merlynial entendit quelques secondes plus tard crier depuis le début de la ruelle.
« Tenez bon lieutenant Sothor! Et vous bande de lâches, venez donc par ici! »
L'un des adversaires de l'officier militaire prit acte des paroles du soldat et se rua sur lui, abandonnant sa cible aux mains de ses comparses. C'était plus qu'il n'en fallait à Sothor pour reprendre le dessus. Car même en infériorité numérique, il avait bénéficié des meilleurs entrainements possibles aux arts du combat et il élimina méthodiquement ses adversaires, un à la fois. Puis il se rendit auprès de son allié de fortune, toujours pas dépêtré de son corps à corps. Trop timoré s'égara à penser Sothor. Il lui vint en aide et ils purent capturer l'assassin. Sothor avait grandement apprécié le comportement de cet homme, Thalion de son nom, qui avait identifié une cible prioritaire, solder la menace et rediriger un combattant aux prises avec lui. Ce Thalion avait des ressources, c’était évident, une analyse juste comme celle-ci face à une situation donnée n'était pas la chose la plus aisée.
« Félicitation soldat. Mais, comment avez vu su pour le tireur caché? »
« Je... Je ne savais pas qu'il s'agissait d'un tireur lieutenant. Mais vous ne regardiez pas ceux qui étaient prêts à vous embrocher. J'en ai déduit que vous craigniez une autre menace, tout simplement. »
« Pas si simple que ça... »
Thalion était grand par sa taille, mais surtout dans sa façon d'appréhender une situation martiale. C'est ce qui plut immédiatement à Sothor. Mais il manquait cruellement de pratique pour pouvoir mettre cette qualité en avant lorsque la mêlée serait sur lui. Il fut donc affecté en tant que simple sergent à une unité, où il put s'aguerrir et conserver sa lucidité au plus fort des combats. Lorsque Sothor devint général des armées, il voulut promouvoir rapidement Thalion a un poste plus important mais il se restreint lui-même, jusqu'à ce que Thalion soit prêt. Sothor a décidé de porter la barbe depuis ce jour, pour masquer la cicatrice le long de sa mâchoire, laissée par la première flèche. Blessure qui le démange régulièrement, comme pour lui rappeler que l'Ennemi et les traîtres peuvent être partout...
Il sortit de son souvenir, les paroles d'Erika et de Thalion justement venant percuter son esprit comme la baguette d'un gong.
« En effet, il me semble que l'équipement ait fait une grande différence lors de cet affrontement. Il faudrait rapprocher le vôtre de celui des lanciers, pour garder à la fois une bonne solidité et une possibilité d'atteindre un ennemi un peu trop loin. Cela permet aussi de porter un bouclier tout du long. Nous avons produit des armures de grandes qualités pour protéger nos guerriers depuis fort longtemps, au temps de Numénor. C'est un atout que nous devons mettre en avant face à nos adversaires.
Et c'est aussi ce qui vous a porté préjudice ici Erika; une fois le choix de faire une salve de tir à l'arc, vous n'avez plus pu vous protéger efficacement, au risque de vous faire déborder par mes troupes.
L'autre erreur qu'il serait possible de vous reprocher est tout simplement d'avoir fait trop cas de moi. Vous auriez dû m'ignorer et poursuivre votre route vers l'objectif. Cela dit... L'un de vos hommes m'a fait trembler lorsqu'il a tenté de me mettre à terre. Belle initiative, cela aurait pu ruiner toute ma stratégie.
Enfin, et j'entends malheureusement très bien ce que vous dites Thalion, mais il va falloir que notre roi se contienne. Entouré de la garde royale, il représente une force de contre attaque colossale si nous arrivons à agir de concert. Mes propres soldats sont entrainés à tenir des charges ennemies, mais une fois cela fait, une troupe menée par vous Erika, suivie des Thorgos, Herodaes et tout les autres, et Elendil de surcroit porterait un coup fatal à une armée ennemie. Il faut cependant accepter de ne pas être en première ligne. Ou alors former un détachement de vos hommes dans cette optique.... Nous devrions en rediscuter à l'occasion. »
Le général Sothor avait apprécié cet exercice à sa juste valeur et semblait satisfait des conclusions qui s'imposaient. Le roi serait entouré d'hommes et de femmes de devoir, prêts à faire le nécessaire pour le protéger de leurs vies. Un soucis de moins pour lui et les batailles à venir. Et pas des moindres. Prenant une large inspiration, il s'adressa à tout ceux qui avaient participé :
« Un grand merci à tous, pour votre engagement, votre sérieux et votre efficience. Nous avons certes gagné une bataille contre les orcs il y a peu, mais des mises en situation comme celle-ci vont nous rendre encore meilleurs, pour le peuple des Edains! »
Puis, suivit par quelques hourras et congratulations, il baissa le ton et dit tout bas à Erika, très sérieusement :
« Merci de glisser à Thorgos que nous sommes très heureux de l'avoir sorti du jeu avant qu'il ne commence à nous marteler... Mes hommes et moi le craignons, à juste titre, et que c'est un exploit pour eux de ne pas avoir eu à subir ses coups. En espérant que ça calme sa rage... »
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