Le groupe se sépara donc en deux; Anselme accompagnant le Chef Gadar, et Hector, Roza et Brand allant jusqu'à la ferme de Marpolin s'enquérir des enfants.
Anselme avait peu à marcher pour rejoindre le Temple dédié à Sokan, le Dieu protecteur de l'Empire; ils leur suffirent de traverser la petite place devant la maison communale puis franchir le pont qui enjambait la rivière tumultueuse. Gadar en profita pour répondre au questionnement d'Anselme: « Il faut plus d'une demi-journée pour aller aux mines de fer, d'habitude les mineurs ne rentrent qu'une fois par semaine, cela doit être grave... Hâtons-nous. » Comme pour beaucoup de villes et villages, on reconnaît la taille de ceux-ci à la taille de leur temple. Celui-ci est donc en adéquation avec Enrost, modeste; tout au plus il pourrait accueillir une cinquantaine de personnes serrées entre elles en son sein. La porte est entrouverte, laissant échapper de l'encoignure du porche une faible lumière. Gadar finit d'ouvrir la porte avec fracas laissant s'engouffrer le vent et la pluie qui fait rage. A l'intérieur, Caramon, un viel homme en robe de bure aux traits tirés mais à l'oeil encore brillant s'évertue à soigner trois hommes à l'article de la mort. Leur corps sont couverts de griffures et saignent à travers les bandages de fortunes. « Mais que s'est-il passé ? » crie alors Gadar fou de rage prenant à partie un mineur qui a emmené les blessés
Hector, Brand et Roza quant à eux s'engouffrent dans la noirceur diluvienne, traversant le village vers le sud pour rejoindre la ferme de Marpolin. La pluie s'abat sur eux avec force, mouillant leurs vêtements jusqu'aux os et les alourdissant de manière oppressante. Chaque mouvement est freiné par la lourdeur des vêtements imbibés d'eau. Le chemin semble interminable et leur esprit les ramène vers le Maître. Brand se remémore son sombre passé lié aux Maîtres, esclave de la guerre sur les terres arides Washars, passé qu'il veut oublier mais qui lui colle à la peau. Hector qui a malgré lui aussi un passé peu reluisant s'inquiète de l'avenir des enfants. Le portait dressé par Brand lui en rappelle un autre, celui de son ancien maître Graham, une âme presque aussi noire que le Maître esclavagiste, et qui tout comme ce dernier avait la main mise sur des enfants des rues de Ravenhorn. Roza, originaire des Ilôts-Terres, ne connaît que trop bien le destin des orphelins. Baladés à droite et à gauche au gré des orphelinats. Mais pour elle, cela faisait partie de la vie des Ilôts-Terres, une vie très dure où seuls les plus débrouillards survivent. Ces nombreux voyagent lui avaient montrés d'autres façons de voir la vie et l'avaient peut-être un peu adouci, et s'inquiétait elle aussi du sort des enfants.
K'Man qui d'habitude berçait les nuits d'A'Arkhan d'une chaude lueur rougeâtre avait disparu ce soir pour laisser place à une nuit sans étoiles plongée dans l'obscurité de nuages noirs chargés de pluie torrentielle, laissant surgir des torrents d'eau serpentant à même le sol. C'est ainsi que les pieds boueux, les vêtements lourds gorgés de pluie, leurs pensées tournées vers les sombres projets du Maître esclavagistes, Hector, Brand et Roza arrivèrent aux abords de la ferme de Marpolin. Malgré l'épaisse nuit il remarquèrent immédiatement que la porte de la grange où Hector avait vu les enfants à l'intérieur était ouverte. Le brasero qui avait été amené pour réchauffer les gardes était renversé et deux villageois gardiens étaient au sol.
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